Saison cyclonique 2013 :Une grave menace plane sur les caraïbes et particulièrement sur les grandes Antilles.

Si vous n’étiez pas dans le Sud d’Haïti les 5 et 6 aout 1980 et n’êtes pas âgé d’au moins 43 ans vous n’avez probablement jamais connu l’extrême violence d’un ouragan majeur, celle qui peut soulever des arbres comme de fétus de pailles, enlever la peinture des voitures ou encore bruler au deuxième degré la peau d’un être vivant par friction

 

et bien préparez vous car les conditions cette année risquent d’être très favorable pour qu’un ou plusieurs cyclones majeurs atterrissent sur les grandes Antilles particulièrement Porto-Rico et Hispaniola.

D’accord diront certains, mais quid de Jeanne, Hanna, Ike,Gustave, Isaac ou encore  Sandy, considéré comme le plus couteux cyclone à avoir affecté Haïti, n’étaient-ils pas des cyclones ? Il faut d’abord établir la différence entre un cyclone marginal (de catégorie 1 ou 2 dont les vents maximums ne dépassent pas les 178km/h)

et les cyclones majeurs dont les vents près du Centre vont de 179 km/h et atteignent ou dépassent, comme pour Allen, parfois les 300 km/h.

La différence est de taille et les dégâts causés par les vents lors d’un super-cyclone (vents de 218 km/h ou plus)  sont 250 fois plus important. Si Ike était un cyclone de catégorie 4, il est toutefois passé à une centaine de kilomètres des côtes Nord et qui se sont de ce fait retrouvés dans le quadrant faible de la perturbation (le cadrant Sud où gauche si l’on considère le sens du déplacement),

quant à Gustave il a bien touché directement le pays mais c’était un cyclone mineur (catégorie 1). Cela fait bien donc 33 ans, et beaucoup plus si l’on considère qu’aucun cyclone majeur dans toute sa puissance n’a traversé la République d’Haïti depuis Flora en 1963 (plus de 5000 morts officiellement). Brrrr ! Cela fait frémir.

Qu’elles sont donc ces facteurs qui font planer une si grave menace sur la caraïbes et plus particulièrement l’ile d’Haïti ?

D’abord l’absence d’un El Niño capable de limiter le nombre d’ouragan et de les pousser à remonter sur l’océan Atlantique bien avant d’atteindre les caraïbes. Nous devrions nous retrouver dans une configuration où l’océan pacifique sera soit en phase neutre (la Nada) ou avec des conditions qui ressemblent fort celles qui prévalent durant à la Niña. Hors, sur les 23 frappes directes que notre République a subit entre 1852 et 2012, 17 se sont produites durant les années neutres ou dominées par la Niña. Je vous l’accorde, d’autres années ont connu des conditions similaires (ou presque) avant le début de la saison, comme 1969 et 2004, mais un peu de patience vous allez comprendre.

L’Europe et l’Amérique du Nord connaissent un hiver particulièrement rude (le pire depuis 1963 pour la Grande Bretagne) et cela est dû en partie à l’oscillation Nord Atlantique (ONA où NAO) dont l’indice à été, et est encore négatif (il est établit en soustrayant la pression atmosphérique entre Lisbonne  et Reykjavik lorsque son indice est positif, les vents sont beaucoup plus fort en moyenne sur l’Atlantique.

Cela entraîne le refroidissement des eaux de surface par évaporation et aussi par la remontée d’eau plus froide des profondeurs (le vent crée des turbulences en surface, ce qui favorise un brassage des eaux sur plusieurs couches). C’est exactement le contraire qui se produit depuis décembre, et les températures dans l’Atlantique qui déjà à la mi mars  sont au-dessus des moyennes (jusqu’à 2˚C dans l’Atlantique Est) donc beaucoup d’énergie devrait être disponible pour les systèmes tropicaux.

Deuxième facteur d’importance les températures a 7000 mètres au-dessus de l’Atlantique tropicale sous les 22.5 de latitude Nord.

La plupart des saisons à fortes activités cycloniques ont en mars des températures anormalement chaudes à ces niveaux. Jugez par vous-même.

 

 

Comparez avec 2013.

 

 

Qu’elles impactes peuvent donc avoir ces anomalies sur la saison cyclonique?

Lorsqu’en hiver beaucoup d’air froid pénètre les tropiques à ces niveaux (comme en période d’el Niño), la quantité d’humidité disponible diminue considérablement durant l’été pourquoi ? Parce que cet air plus dense doit descendre et en ce faisant il s’assèche et les systèmes tropicaux qui ont besoin d’au moins 70 % d’humidité dans les couches moyennes pour se développer  (5500 mètres et 7000 mètres) ont fort à faire pour survivre (le cas d’Irène, Isaac, Emily) et deviennent alors plus sensible à d’autre élément comme le cisaillement etc. Ainsi, aucun cyclone ne s’est développé à l’Est de 70˚ de longitude Ouest et en-dessous de 20˚ de latitude Nord l’année écoulée. La situation promet d’être radicalement différente en 2013.

Les vents stratosphériques (QBO)

Au-dessus de l’Equateur, entre 20 et 50 km d’altitude, les vents stratosphériques font le tour du globe soit en direction Est, soit en direction Ouest. Tout les 15 à 20 mois la direction s’inverse. Ce phénomène est connu sous le nom d’Oscillation Quasi Bisannuelle (Q.B.O). Quand dans la stratosphère le vent souffle vers l’Est, QBO de phase d’Ouest (Westerly), une accélération des vents est sentie, alors qu’un vent vers l’Ouest, QBO de phase d’Est (Easterly), cause une décélération des vents. Suivant la phase du QBO il y a plus ou moins des cyclones tropicaux. Les Q.B.O qui sont des vents tropicaux qui soufflent soit vers l’Est ou l’Ouest et ont une influence substantielle sur l’activité cyclonique tropicale. Quand des vents stratosphériques, du Q.B.O sont orientés vers l’Est (Q.B.O phase d’Ouest ou positive) à 20/23 km d’altitude, alors il y a une activité cyclonique plus forte de 50 à 70 % en général, surtout dans l’océan Indien. Mais quand la Q.B.O est de phase négative c’est tout l’inverse. On pense (mais cela n’a pas été démontré) que si l’activité cyclonique est réduite pendant les années de vent d’Est, ceci est dû à l’augmentation du cisaillement vertical entre la basse stratosphère et la haute troposphère qui peut perturber la structure du cyclone tropical. Une chose est sûr, il y généralement une augmentation des cyclones majeurs dans l’Atlantique central durant les phases d’Ouest (positives). Vous l’avez sans doute deviné la QBO sera en phase positive vers le début de la saison.

 

Les consequences résultant de la combinaison entre l’Oscillation Décennale du Pacifique (PDO) dont l’indice est actuellement négatif (PDO-) et de l’Oscillation Décennale de l’Atlantique en phase positive (OAM+).

Valeurs annuelles du PDO depuis 1900

 

Valeurs annuelles de l’OAM (où AMO)

 

Dernier point et non des moindres, la majorité des atterrissages d’ouragan majeurs sur Haïti correspondent à une combinaison OAM + et PDO- , hors c’est exactement la situation qui prévaut actuellement,effet si l’OAM est positif depuis 1995 (OAM est crée des conditions très favorable aux ouragans dans l’Atlantique nord ), le PDO lui est entré en phase négative en 2007 et rappelez-vous des trajectoires d’Ike, Hanna, Faye, Gustave, Thomas, Sandy, un hasard ? Probablement pas.Jetez un coup d’œil aux années correspondant à cette combinaison et aux atterrissages de cyclones majeurs sur Haïti ou à ceux qui nous ont ratés de peu.

Ces trajectoires étaient dû en grande partie au PDO- et ses interactions complexes avec l’ OAN , particulièrement  au-dessus du centre et de la côte Est des USA mais aussi et surtout sur la position de l’anticyclone des bermudes.Ainsi un PDO- et  un OAN (OU NAO) peu déplacer l’anticyclone des Açores vers le centre de l’Atlantique obligeant les cyclones à transiter par les caraïbes.

 

Pas très rassurant tout ça ,même si beaucoup de choses peuvent changer d’ici à juin, nous aurions tort de faire l’autruche, un Flora ou Cléo traversant Haïti aujourd’hui produirait une catastrophe encore plus grave que le séisme du 12 janvier, avec plusieurs Mapous, Gonaïves, Fond-parisien et la destruction de toutes les infrastructures ou presque dans la presqu’ile du Sud, et d’autres scénarios que je n’ose même pas imaginer. Qui a dit que la dernière pluie était de la fiction ?

 

 

 

 

 

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

Mr météo.info droits réservés mars 2013