Saison cyclonique 2020 : Une période à haut risque pour la région caraïbéenne?

Selon les prévisions actuelles des divers modèles mondiaux climatiques, il se pourrait que la saison des ouragans de l’Atlantique 2020 soit «supérieure à la moyenne». Comme toujours, ces prévisions sont susceptibles de changer d’ici le 1er juin au fur et à mesure de la mise à jour de ces modèles. Cependant, en l’état actuel des informations disponibles, l’été et l’automne risques forts d’être agités sur notre région, sur la base de l’analyse des panaches ENSO prévisionnels actuels, provenant de la modélisation globale et climatique. La majorité des modèles semblent indiquer que les anomalies de températures (SSTA) sur la région NIÑO3.4 du Pacifique Équatorial pourraient être proches ou inférieures à 0.5 C (SITUATION NEUTRE) d’ici le début de la saison.

Une partie de la modélisation climatique indique même des panaches entrant en territoire de La Niña. En règle générale, plus le NIÑO 3.4 est frais, plus les conditions au-dessus de l’Atlantique deviennent favorables au développement des tempêtes, comme ceux qui ont récemment frappé Charleston. Les prévisions actuelles d’anomalies des températures de surface (SSTA) à ce jour indiquent un biais froid allant jusqu’à La Niña faible à modérer.

Les graphiques suivants sont quelques-unes des prévisions du panache de prévisions d’ ENSO pour la région NIÑO 3.4:

Les différentes régions Niño
Le CFSv2 est clairement sous le seuil de la Niña entre juillet et novembre
Le North American Multi-Model Ensemble
l’ACCESS-S1 du BOM (Australie) est proche et se rapproche d’un évènement neutre froid
NASA GEOS est en territoire NIÑA
La majorité des membres des ensembles de l’UKMeT sont sous la normale et quelques uns en territoire Niña
Les modèles du CPC/IRI

Les prévisions SSTA suivantes proviennent du modèle climatique CFSv2 et indiquent que La Niña se développera pour la prochaine saison. Lors de la dernière analyse en janvier, ce modèle avait été le seul indiquant un développement de La Niña. Il semble maintenant que la majorité de la modélisation climatique indique une transition vers un biais froid ou La Niña.

CFSv2 La NIÑA sera présente en JJA
CFSv2 JAS LA NIÑA

Le CFSv2 a une NiÑA de forte intensité sur le Pacifique au cœur de la saison cyclonique

https://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/international/nmme/html_seasonal/sst_anom_global_body.html

Le Golfe de Guinée

Vous pouvez également remarquer que les modèles indiquent une baisse des températures sur le golfe de Guinée. Si cela se produit, et que le refroidissement devient important, un déplacement vers le nord de la zone intertropical (ITCZ) pourrait se produire, et peut-être entraîner une augmentation des précipitations dans la région du Sahel; ce qui contribuerait à une réduction des épisodes de la brume de poussière du Sahara (SAL). Rappelons que les importants épisodes de SAL ne sont pas favorables au développement de cyclones tropicaux, en raison de l’instabilité, air sec, refroidissement océanique et cisaillement qui caractérisent leur environnement.

Le golfe de Guinée

Le Dipôle de l’Océan Indien (IOD)

L’évolution des anomalies de température de surface de la mer (SSTA) prévue par les modèles au cours des prochains mois sur l’océan indien plus particulièrement de l’IOD (Dipole de l’Océan Indien) constitue également un autre sujet d’inquiétude. En effet, les prévisions ont tendance à montrer que l’IOD passera de la phase «positive» ou «neutre». Une phase de l’IOD permet une augmentation de la convection, et des pluies près de l’Afrique de l’Est. L’air animé de mouvement ascensionnel provoque une baisse de la pression et des précipitations à la surface de l’océan et sur les régions du nord-est de l’Afrique. Alors que sur le côté Est de la circulation (Indonésie, Est de l’Australie) c’est l’inverse : on assiste à une pression plus élevée à la surface et des conditions plus sèches. Les phases positives génèrent donc des conditions un peu plus favorables au-dessus de ces régions ou prennent naissance les ondes tropicales.

La phase positive de l’IOD ou l’air s’élève au-dessus du nord de l’Afrique de l’Est mais redescend sur l’Afrique continental
La phase négative de l’IOD ou l’air est animé de mouvement vers le bas sur le nord de l’Afrique de l’Est, puis s’écoule sur l’est du continent pour s’élever vers le centre de l’Afrique où il favorise la genèse d’ondes fortes.

Si la modélisation du climat est correcte et que la IOD reste positive ou devient neutre, il pourrait y avoir une augmentation de l’activité des AEW  pendant la saison du Cap-Vert.

Les prévisions sur la phase de l’IOD pour les prochains de mois de l’ACCESS-S1

Avec la prévision d’un ENSO baisé froid évoluant peut-être vers un événement de La Niña, le CFSv2 montre un cisaillement du vent inférieur à la normale sur le bassin atlantique lors de la prochaine saison cyclonique; ce qui constitue un autre facteur favorable a une saison active

Le cisaillement devrait être faible sur l’Atlantique (les couleurs bleues sur ces images indiquent un cisaillement sous la normale.)

Modèles et analogues

Les prévisions des différents modèles globaux semblent donc indiquer qu’une saison active (ou très active) se profile à l’horizon. Il est toutefois toujours risqué de faire des prévisions à partir de prévisions. Pour mieux appréhender la situation, on se doit de rechercher des années analogues (ou existaient des conditions semblables à celles existantes, pour avoir une idée de ce qui s’était passé durant la saison cyclonique). En utilisant cette méthode, on découvre de nombreuses similitudes avec certaines saisons hyperactives notables. 1995, 1996, 1998, 1999, 2003, 2004 , 2005 ,2010, 2017

L’Énergie cyclonique accumulée au cours des années analogues

Mais également avec des saisons moins actives comme 2007 et 2013 qui se sont soldées par une activité proche de la normale .

La configuration des SSTA sur l’Atlantique et le Pacifique en août et octobre 2007 et 2013

En fait, on peut argumenter que ces deux années semblent être les plus proches des prévisions actuelles de SSTA. Les simulations de l’EURO, quant à une pression plus élevée près des Açores, plaident également pour une saison proche des normales ou au-dessous.

En effet, une pression plus au-dessus de la normale près des Açores accroît les vents d’est plus au sud, ce qui a généralement un effet négatif sur l’activité cyclonique. Cependant, il se pourrait que ce modèle se trompe, car la faible pression qu’il simule sur l’ouest de l’océan Indien plaide en faveur d’un mouvement ascendant là-bas. De plus, cela fait des années depuis que l’EURO n’a pas prévu de saison active. Ainsi, il est plus que probable que nous assisterons à une saison dangereuse avec une configuration que nous avons plus observée depuis de longues années.

Notre verdict
Une saison au-dessus de la moyenne avecc un risque accru pour les grandes Antilles

15 – 20 Tempêtes

6 – 11 Ouragans

4 – 7 Majeurs



ENSO est un acronyme composé à partir des termes El Niño et Southern Oscillation (Oscillation Australe). C’est un phénomène climatique et océanographique reliant le phénomène El Niño et l’Oscillation Australe de la pression atmosphérique.

El Niño, et son pendant La Niña sont des phénomènes océaniques à grande échelle du Pacifique équatorial, affectant le régime des vents, la température de la mer et les précipitations. El Niño et La Niña correspondent aux deux phases opposées du phénomène couplé océan/atmosphère appelé ENSO (El Niño / Southern Oscillation).

Le dipôle de l’Océan Indien, aussi connu sous le nom d’El Niño indien, est une oscillation irrégulière des températures de surface de la mer, la partie occidentale de l’océan Indien étant tour à tour plus chaude et plus froide que sa partie orientale.

La convection est à la source de plusieurs phénomènes atmosphériques. Par exemple, la convection est responsable des nuages qui se développent par temps chaud l’été. La surface du sol se réchauffe fortement et de grandes bulles d’air chaud montent à cause de l’instabilité de l’air. Ces bulles se refroidissent en montant et l’eau que contiennent ces bulles se condense. C’est ce que l’on nomme la convection superficielle et elle se manifeste dans les premiers kilomètres de l’atmosphère.Les nuages créés par la convection se nomment des nuages convectifs

Un anticyclone est une zone étendue de masse d’air où la pression est plus élevée que la pression atmosphérique normale, aux alentours de 1015 hectopascals.

On parle de cisaillement vertical de vent quand sur un même point géographique, les vents soufflent dans des sens opposés ou dans le même sens mais à des vitesses différentes dans les couches de l’atmosphère ( la surface, les moyennes couches et les étages supérieures)  .

Le cisaillement est nocif pour les systèmes tropicaux (ondes, dépressions, tempêtes et autres cyclones), il déstructure la structure nuageuse, désolidarisant totalement ou partiellement le tourbillon de basse couche (vortex) de la masse nuageuse convective

Une onde tropicale est un creux barométrique (ou talweg) des tropiques qui peut mener à la formation de cyclones tropicaux. Ce creux dans l’écoulement rectiligne de l’air prend naissance lorsque la zone de convergence intertropicale remonte vers le pôle en été dans un hémisphère

La Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT), également connue sous le nom de Zone Intertropicale de Convergence (ZIC), de front intertropical, de zone de convergence équatoriale ou plus familièrement pour les marins de « Pot au noir », est une ceinture, de seulement quelques centaines de kilomètres du nord au sud, de zones de basses pressions entourant la Terre près de l’équateur. Elle est formée par la convergence des masses d’air chaudes et humides anticycloniques provenant des tropiques portées par les alizés. Elle est caractérisée par des mouvements convectifs des cellules de Hadley et, en règle générale, par des formations importantes de cumulonimbus.

Un modèle climatique est la représentation numérique de la planète et des interactions entre ses différents réservoirs qui modulent le climat : l’atmosphère, l’océan et les surfaces continentales. 

Une brume de sable est une forme particulière de « brume de poussière » et de « lithométéore ». Ce phénomène météorologique suit une tempête de sable (ou un envol local ou à grande échelle de particules siliceuses ou d’autres minéraux). Des particules fines plus ou moins siliceuses (parfois rougeâtres si le sable est riche en oxydes de fer), stagnent alors dans l’air, opacifient l’atmosphère en lui donnant un aspect opalescent jaunâtre, brunâtre ou rougeâtre, voire bleuté, persistant éventuellement plusieurs jours ou semaines si les conditions anticycloniques persistent. Certaines brumes de sable s’étendent sur plusieurs millions de kilomètres carrés1. A la différence de la brume sèche, elle est source d’un léger dépôt au sol. Quand cette brume est très épaisse, le soleil apparait à midi comme un disque rouge.

C’est l’une des formes de la brume sèche (brumes particulaires, par opposition aux brouillards qui sont des brumes humides, dues à des micro-gouttelettes d’eau en suspension dans l’air). En Europe et Amérique centrale ce sable vient le plus souvent du désert du Sahara.

Rudolph Homere Victor

météorologiste

AMS

Mr meteo.info tous droits réservés mars 2020


Six facteurs qui prouvent que cet El Niño est en très bonne santé et pourrrait encore croître.

Tous les aspects de L’#ElNino en cours (SST, températures océaniques dans les profondeurs, atmosphère) montrent que ce phénomène semble plus robuste et de plus en plus en phase

Températures à la surface de la mer  

El Niño est l’un des indicateurs caractéristiques des températures de surface de la mer (SSTs) élevé dans l’océan Pacifique équatorial. Les SSTs actuelles sont de 1 à 2 °C plus chaudes que la normale dans toutes les régions de l’est du centre du bassin (graphique ci-dessous). Le glossaire de météorologie de la Société Américaine de Météorologie (AMS) définit El Niño comme “une augmentation significative de la température de surface de la mer dans le Pacifique équatorial oriental et central qui se produit à des intervalles irréguliers, généralement compris entre deux et sept ans”.

Le Pacific équatorial s’est beaucoup réchauffé au cours des derniers jours



La forte vague de Kelvin qui se trouve en aval affecte maintenant le Pacifique Est ..

L’un des indicateurs de la présence d’El Niño est la température de la mer sous la surface.

Au cours de la phase de développement du phénomène El Niño, nous avons une anomalie du vent d’Ouest dans le Pacifique central et les Alizés faiblissent. Alors les eaux chaudes de la surface sont entraînées vers l’Est. La couche superficielle s’amincit en amont et s’enfonce en aval vers l’Est, cet enfoncement s’équilibre par les ondes de Kelvin qui se propagent rapidement (3 m/s). Au bout de trois mois, lorsqu’elles arrivent près des côtes occidentales, ces ondes empêchent la remontée des eaux froides riches en poissons. L’enfoncement de la thermocline dans l’Est se répercute directement sur la température de la surface qui augmente. Alors l’air est réchauffé par l’augmentation de la température de l’océan. Dans l’océan Pacifique de l’Ouest, la remontée de la thermocline se propage sous la forme d’ondes de Rossby. Lors de très forts épisodes El Niño, la thermocline peut devenir plate dans tout le Pacifique tropical pendant plusieurs mois.

Une onde de Kelvin dont les anomalies de températures dépassent les 6 °C s’apprête à surfacer sur l’Est du Pacifique

Les Anomalies de vent d’ouest à ~1450 metres ( 850 mb).

Pourquoi est-ce important? Des recherches scientifiques ont montré que les rafales de vent d’Ouest sont souvent associées à El Niño. Les recherches suggèrent que de tels épisodes de vent pourraient être responsables des vagues de Kelvin en aval, des courants de surface équatoriaux vers l’Est et du réchauffement du bassin.

Dans des conditions normales, les vents d’Est des tropiques dominants poussent les eaux de surface réchauffées par le soleil, à travers le Pacifique depuis les Amériques vers l’Indonésie; créant ainsi un profond bassin d’eau chaude dans le Pacifique occidental. Pendant un El Niño, les alizés faiblissent, et parfois même s’inversent, pendant des mois. Lorsque les vents qui maintiennent le bassin chaud faiblissent, une grande impulsion d’eau chaude du Pacifique occidental retourne vers l’Est. Nous avons observé récemment un assez long et intense épisode de vents d’Ouest.

Elles sont les plus fortes et les plus étendues cette année sur le Pacifique occidental et central

Le rayonnement sortant à grande longueur d’onde est le plus important depuis le debut de l’année

Le rayonnement sous formes d’ondes longues (OLR) peut être mesuré par satellite. Les anomalies négatives de l’OLR indiquent la présence de nuages convectifs, dont les mouvements laïcs peuvent également suivre via des applications mobiles. Les nuages plus froids qui pénètrent a des altitudes plus élevées émettent moins d’énergie infrarouge détectable par le satellite. La convection froide et profonde dans cette partie du bassin du Pacifique est typiquement associée à la phase chaude de l’Oscillation Australe (graphique ci-dessous). Les anomalies négatives indiquent donc la présence de nuages convectifs générés par des SSTs plus chaudes.

En bleu, les régions où la convection s’est développée au-dessus des eaux plus chaudes que la normale.

Rayonnement des ondes longues sortant du Pacifique central au cours des dernières décennies.

Et le plus important … Indice de l’Oscillation Australe (SOI) atteignant les valeurs les plus basses depuis 2016

L’Indice de l’Oscillation Australe (SOI) a atteint son plus bas niveau depuis 2016 (graphique ci-dessous). La NOAA définit la SOI comme “un indice normalisé, basé sur les différences de pression au niveau de la mer observées entre Tahiti et Darwin, en Australie”. Un SOI négatif révèle une pression atmosphérique inférieure à la normale à Tahiti et supérieure à la normale à Darwin. Les valeurs de pression à ces endroits oscillent entre les conditions de réchauffement (El Niño) et de refroidissement (La Niña).

Le courant- jet subtropical au-dessus de l’Amérique du Nord … les  vents à 250 Hectopascals au cours des derniers mois sont continus sur le pacifique central et Est et sur le Sud des Etats-Unis

L’influence d’ENSO sur les conditions météorologiques est liée à sa capacité à modifier la position du courant-jet, les vents en altitude qui orientent les tempêtes et déterminent l’emplacement des zones de haute et de basse pression. Pendant les épisodes, El Niño, le courant-jet au-dessus de l’océan Pacifique devient moins onduler et se divise en un courant-jet subtropical renforcé près de l’équateur, et en un courant-jet polaire plus faible. Ce changement affecte les trajectoires des tempêtes, la distribution des précipitations et même l’activité des ouragans dans le bassin atlantique.

Dans le Nord de la Floride et dans le Sud-est des Etats-Unis, les conditions pluvieuses et orageuses observées depuis octobre sont cohérentes avec El Niño. Les indices clés utilisés par les climatologues, tel que l’indice Niño 3.4, dépasse généralement le seuil de 0,5 ° C depuis la mi-septembre. À présent, les indicateurs atmosphériques s’alignent sur les températures chaudes de l’océan, ce qui indique que les conditions climatiques associées à El Niño pourraient très bien durer au-delà du printemps, avec les conséquences que l’on connait sur notre pays, comme des pluies plus précoces aux printemps et un large déficit sur la fin du printemps et l’été.

Ce qui a attiré mon attention est que le forçage (les conditions permettant à ce phénomène de se développer) prévu sur le pacifique au cours des prochaines semaines est semblable à celui ayant permis à l’El Nino de 2015-2016 de devenir ce monstre qui a causé de graves problèmes un peu partout sur la planète.

Les couleurs pales sur le Pacifique ouest indiquent des conditions favorables à El Nino


Le déficit pluviométrique est toujours présent durant l’été lors des épisodes El Niño.

Rudolph Homere Victor

Météorologiste

AMS

Mr meteo.info tous droits réservés mars 2019