Six facteurs qui prouvent que cet El Niño est en très bonne santé et pourrrait encore croître.

Tous les aspects de L’#ElNino en cours (SST, températures océaniques dans les profondeurs, atmosphère) montrent que ce phénomène semble plus robuste et de plus en plus en phase

Températures à la surface de la mer  

El Niño est l’un des indicateurs caractéristiques des températures de surface de la mer (SSTs) élevé dans l’océan Pacifique équatorial. Les SSTs actuelles sont de 1 à 2 °C plus chaudes que la normale dans toutes les régions de l’est du centre du bassin (graphique ci-dessous). Le glossaire de météorologie de la Société Américaine de Météorologie (AMS) définit El Niño comme “une augmentation significative de la température de surface de la mer dans le Pacifique équatorial oriental et central qui se produit à des intervalles irréguliers, généralement compris entre deux et sept ans”.

Le Pacific équatorial s’est beaucoup réchauffé au cours des derniers jours



La forte vague de Kelvin qui se trouve en aval affecte maintenant le Pacifique Est ..

L’un des indicateurs de la présence d’El Niño est la température de la mer sous la surface.

Au cours de la phase de développement du phénomène El Niño, nous avons une anomalie du vent d’Ouest dans le Pacifique central et les Alizés faiblissent. Alors les eaux chaudes de la surface sont entraînées vers l’Est. La couche superficielle s’amincit en amont et s’enfonce en aval vers l’Est, cet enfoncement s’équilibre par les ondes de Kelvin qui se propagent rapidement (3 m/s). Au bout de trois mois, lorsqu’elles arrivent près des côtes occidentales, ces ondes empêchent la remontée des eaux froides riches en poissons. L’enfoncement de la thermocline dans l’Est se répercute directement sur la température de la surface qui augmente. Alors l’air est réchauffé par l’augmentation de la température de l’océan. Dans l’océan Pacifique de l’Ouest, la remontée de la thermocline se propage sous la forme d’ondes de Rossby. Lors de très forts épisodes El Niño, la thermocline peut devenir plate dans tout le Pacifique tropical pendant plusieurs mois.

Une onde de Kelvin dont les anomalies de températures dépassent les 6 °C s’apprête à surfacer sur l’Est du Pacifique

Les Anomalies de vent d’ouest à ~1450 metres ( 850 mb).

Pourquoi est-ce important? Des recherches scientifiques ont montré que les rafales de vent d’Ouest sont souvent associées à El Niño. Les recherches suggèrent que de tels épisodes de vent pourraient être responsables des vagues de Kelvin en aval, des courants de surface équatoriaux vers l’Est et du réchauffement du bassin.

Dans des conditions normales, les vents d’Est des tropiques dominants poussent les eaux de surface réchauffées par le soleil, à travers le Pacifique depuis les Amériques vers l’Indonésie; créant ainsi un profond bassin d’eau chaude dans le Pacifique occidental. Pendant un El Niño, les alizés faiblissent, et parfois même s’inversent, pendant des mois. Lorsque les vents qui maintiennent le bassin chaud faiblissent, une grande impulsion d’eau chaude du Pacifique occidental retourne vers l’Est. Nous avons observé récemment un assez long et intense épisode de vents d’Ouest.

Elles sont les plus fortes et les plus étendues cette année sur le Pacifique occidental et central

Le rayonnement sortant à grande longueur d’onde est le plus important depuis le debut de l’année

Le rayonnement sous formes d’ondes longues (OLR) peut être mesuré par satellite. Les anomalies négatives de l’OLR indiquent la présence de nuages convectifs, dont les mouvements laïcs peuvent également suivre via des applications mobiles. Les nuages plus froids qui pénètrent a des altitudes plus élevées émettent moins d’énergie infrarouge détectable par le satellite. La convection froide et profonde dans cette partie du bassin du Pacifique est typiquement associée à la phase chaude de l’Oscillation Australe (graphique ci-dessous). Les anomalies négatives indiquent donc la présence de nuages convectifs générés par des SSTs plus chaudes.

En bleu, les régions où la convection s’est développée au-dessus des eaux plus chaudes que la normale.

Rayonnement des ondes longues sortant du Pacifique central au cours des dernières décennies.

Et le plus important … Indice de l’Oscillation Australe (SOI) atteignant les valeurs les plus basses depuis 2016

L’Indice de l’Oscillation Australe (SOI) a atteint son plus bas niveau depuis 2016 (graphique ci-dessous). La NOAA définit la SOI comme “un indice normalisé, basé sur les différences de pression au niveau de la mer observées entre Tahiti et Darwin, en Australie”. Un SOI négatif révèle une pression atmosphérique inférieure à la normale à Tahiti et supérieure à la normale à Darwin. Les valeurs de pression à ces endroits oscillent entre les conditions de réchauffement (El Niño) et de refroidissement (La Niña).

Le courant- jet subtropical au-dessus de l’Amérique du Nord … les  vents à 250 Hectopascals au cours des derniers mois sont continus sur le pacifique central et Est et sur le Sud des Etats-Unis

L’influence d’ENSO sur les conditions météorologiques est liée à sa capacité à modifier la position du courant-jet, les vents en altitude qui orientent les tempêtes et déterminent l’emplacement des zones de haute et de basse pression. Pendant les épisodes, El Niño, le courant-jet au-dessus de l’océan Pacifique devient moins onduler et se divise en un courant-jet subtropical renforcé près de l’équateur, et en un courant-jet polaire plus faible. Ce changement affecte les trajectoires des tempêtes, la distribution des précipitations et même l’activité des ouragans dans le bassin atlantique.

Dans le Nord de la Floride et dans le Sud-est des Etats-Unis, les conditions pluvieuses et orageuses observées depuis octobre sont cohérentes avec El Niño. Les indices clés utilisés par les climatologues, tel que l’indice Niño 3.4, dépasse généralement le seuil de 0,5 ° C depuis la mi-septembre. À présent, les indicateurs atmosphériques s’alignent sur les températures chaudes de l’océan, ce qui indique que les conditions climatiques associées à El Niño pourraient très bien durer au-delà du printemps, avec les conséquences que l’on connait sur notre pays, comme des pluies plus précoces aux printemps et un large déficit sur la fin du printemps et l’été.

Ce qui a attiré mon attention est que le forçage (les conditions permettant à ce phénomène de se développer) prévu sur le pacifique au cours des prochaines semaines est semblable à celui ayant permis à l’El Nino de 2015-2016 de devenir ce monstre qui a causé de graves problèmes un peu partout sur la planète.

Les couleurs pales sur le Pacifique ouest indiquent des conditions favorables à El Nino


Le déficit pluviométrique est toujours présent durant l’été lors des épisodes El Niño.

Rudolph Homere Victor

Météorologiste

AMS

Mr meteo.info tous droits réservés mars 2019


La prochaine saison cyclonique sera-t-elle marqué par un retour des cyclones majeurs sur le bassin antillais?

Les saisons cycloniques de la dernière décennie (2009-2018) ont plutôt été clémentes pour le bassin caribéen (hormis 2016 et 2017) ce qui contraste fortement la période précédente (2000 – 2008) qui a vu transité entre 2000 et 2005 par exemple des monstres tels qu’Ivan, Denis, Emily, Dean, Félix, Lili, Isidore, Jerry, Michel, tous des cyclones de catégorie 4+ sans parler de la terrible année 2008 avec Ike, Gustave, Paloma, Lenny, etc.  qui dévastèrent plusieurs régions du bassin.  De plus, après le passage du cyclone de catégorie 5 Félix en 2007, il aura fallu attendre presque 10 années avant d’assister au passage d’un cyclone de catégorie similaire sur la mer des Antilles, Matthew en 2016. Un retour à des conditions plus favorables, et la genèse de la Niña durant le pic de la saison en 2017, favorisèrent l’atterrissage d’Irma et de Maria sur l’Est et le Nord-est des caraïbes. Toutefois, en 2018, les conditions qui prévalurent entre 2013 et 2015 firent de nouveau leur apparition, fournissant une protection pour les îles de notre bassin. La saison des ouragans de l’Atlantique débute dans moins de 80 jours, assistera-t-on à une persistance des conditions hostiles aux perturbations cycloniques ou encore au retour des risques accrus pour les pays limitrophes de la mer des Antilles ?

Il est quasiment impossible de prévoir avec certitude l’état de l’atmosphère dans un futur aussi éloigné; toutefois, l’analyse de données comme la distribution des températures océaniques fournies par modèles de prévisions climatiques ou encore la recherche d’années ou des conditions similaires avait prévalu, demeure des outils précieux dans notre démarche. Ainsi, si on compare les prévisions de plusieurs modèles quant à la distribution des anomalies de températures océaniques (SSTAs) sur l’Atlantique et le Pacifique pour l’été, on se rend compte qu’elles se situent carrément à l’opposé de celles des années dites actives.

.                      Euro SSTA juillet-septembre    

Distribution des anomalies de températures de juillet a septembre sur le Globe

Durant les saisons actives, la distribution des SSTAs sont assez différentes de celles prévues pour l’été et l’automne par l’un des meilleurs modèles l’EURO.

Durant les années dites analogues (ou des conditions similaires à 2019 avaient prévalu), l’El Niño est centré un peu plus à l’Est. Il est donc judicieux de fusionner ces années de faibles activités avec les 5 à 6 dernières années pour se faire une idée sur la probable distribution des SSTAs pour l’été.

Le résultat est une distribution des SSTAs qui correspond à un tripol négatif (plus froid au Nord, chaud au Centre et plus frais sous les 20 degrés de latitude) sur l’Atlantique créant des conditions peu favorables sur la zone de développement principal ou MDR plus la présence d’El Nino peu favorable au passage de cyclone sur la mer des Antilles

Comparer aux 5 à 6 dernières années, les SST actuels (à droite) sont très proches de 2015 (à gauche une année peu active), bien que cet El Niño semble (pour la même période) un peu plus costaud:

2019 (à droite) est l’inverse de l’année dernière (à gauche) dans le Pacifique ou La Niña se dissipait.

Un autre facteur plaidant en défaveur d’une saison active sur la mer des Antilles est le déficit pluviométrique prévu sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel qui pourrait favoriser le départ de plus grandes quantités de sable vers l’Atlantique et les Caraïbes. Ces poussières sahariennes (SAL) suffoquent les ondes, augmentent la stabilité de l’atmosphère et en reflétant les rayons du soleil refroidisse l’océan.

Les probabilités que les précipitations soient au-dessous de 30% des normales sur l’Ouest de l’Afrique seraient assez élevées selon l’EURO.

Donc avec un probable refroidissement des SSTs et une distribution peu favorable à la focalisation de l’énergie sur l’Atlantique tropicale (Tripol négatif) les caraïbes pourraient  une nouvelle fois bénéficier d’une certaine protection pour la fin de l’été et le début de l’automne; surtout si El Niño devient un évènement classique et que le bassin se refroidisse suffisamment comme c’est le cas actuellement.

L’indice actuel de l’AMO est le plus faible depuis 1994 !

Quels sont les risques pour Haïti ?

En ce qui concerne notre pays, les saisons durant lesquelles notre pays a été épargné  montrent des anomalies de pressions positives (anormalement élevées) sur notre région qui sont généralement à l’opposé des saisons ou nous avons été malmené comme (1954,1958, 1963, 1964, 1966, 1980,1987, 1988, 1998, 2008, 2016) ou les pressions furent plus faibles sur la mer des caraïbes.

Durant les saisons ou notre pays a été épargné, les anomalies de pression étaient positives sur les caraïbes entre août et octobre

Les années cauchemardesques

Contrairement aux années terribles où ces anomalies de pressions étaient inférieures aux moyennes pour la même periode.

Les prévisions de l’EURO pour le cœur de la saison cyclonique quant aux anomalies de pressions atmosphériques ressemblent beaucoup aux années où nous avons été épargné.

Des pressions plus élevées sont prévues sur notre région au cœur de la saison cyclonique

Nous devrions en principe assister, si ces prévisions se matérialisent (AMO froid, El Niño modéré à fort sur le pacifique), à une saison cyclonique dominée comme les saisons 2013, 2014, 2015, 2018 par un cisaillement plus élevé que la normale, des épisodes de brume de sables du Sahara plus fréquents, des Alizés plus rapide sur la mer des Antilles contribuant à des remontées d’eau froide sur l’Atlantique tropical, de la subsidence plus forte que la normale avec pour conséquence une réduction notable du nombre et de l’intensité des ondes tropicales et par voie de conséquence, une baisse marque de l’activité cyclonique surtout sur la zone de développement principale ou MDR.

Zone de développement principal des ouragans ( MDR)

Au-dessus de 20 degrés de latitude, les ouragans devraient bénéficier de meilleures conditions pour se développer et menacer les Bahamas, le Sud-est des États-Unis et les Bermudes.

Nos prévisions préliminaires

Avec une énergie cyclonique accumulée de 65 à 105 ACE, la majeure partie de l’activité cyclonique devrait se dérouler au-dessus du 20e degré de latitude et ainsi éviter la mer des Antilles. Mais rappelez-vous que ce ne sont que des prévisions préliminaires, l’atmosphère est dynamique et les conditions pourraient évoluer d’ici juillet et août dans un sens ou l’autre. Vous aurez nos prévisions définitives en Avril.

Lexique

ACE :  L’énergie cumulative des cyclones tropicaux (en anglais Accumulated Cyclone Energy) est la quantité d’énergie globale d’un ou de plusieurs cyclones estimée à partir de la vitesse maximale des vents pour chaque période de six heures. Selon sa définition, elle n’est calculée qu’à partir du moment où le système atteint le niveau de tempête tropicale et ne tient donc pas compte des dépressions tropicales plus faibles et souvent de courte durée de vie.

L’AMO (L’Oscillation Multi-décennale de l’Atlantique) est une variation cyclique à grande échelle dans le courant atmosphérique et océanique dans l’Océan Atlantique du Nord qui combine pour augmenter et baisser alternativement la température de la surface de l’Océan Atlantique (SST). Cette oscillation qui est multi-décennale varie sur une échelle de 50 à 70 ans, avec des anomalies positives pendant environ 40 ans, suivies d’anomalies négatives de la SST pendant environs 20 ans dans l’Atlantique Nord avec une différence d’approximativement 0,6°C entre les extrêmes. l’AMO est un cycle quasi périodique, apparenté à la variabilité de la circulation du thermohaline océanique. Son indice montre que de 1856 à aujourd’hui, qu’il y a eu une persistance chaude (de 1856 à 1900, de 1930 à 1960, de 1995 à aujourd’hui), et fraîche (de 1900 à 1920, de 1960 à 1995). Les causes du AMO ne sont actuellement pas bien connues parce que cette oscillation est longue.

Le cisaillement du vent est une différence de la vitesse ou de la direction du vent entre deux points suffisamment proches de l’atmosphère. Selon que les deux points de référence sont à des altitudes différentes ou à des coordonnées géographiques différentes, le cisaillement est dit vertical ou horizontal.

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

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