La “vraie” saison cyclonique débute !

Le 1er août marquait le 62e jour de la saison cyclonique qui prend officiellement fin le 30 novembre; bien que la cyclogenèse soit possible à n’importe quel moment de cette période, 80 % des ouragans et 90% des cyclones de catégorie 3 ou plus, prennent naissance entre les 81 jours qui s’étalent du 1er août au 20 octobre.

La saison en cours a débuté en fanfare avec 3 perturbations tropicales dont deux ouragans Cris et Beryl, au cours du mois de juillet; depuis lors, les choses se sont calmées.

 

Nous sommes certes en avance, en tenant compte de la quantité d’énergie cyclonique accumulée (ACE), mais les choses sérieuses ne débutent qu’à partir de ce mois et plus particulièrement après le 20.

 

Comment se présente la situation par rapport aux prévisions d’avril ou de juin? El Niňo se développera-t-il à temps pour inhiber l’activité cyclonique? Les conditions hostiles présentes sur la MDR (principale zone de développement des ouragans sur l’Atlantique) persisteront-elles au cours des prochains mois?

L’année écoulée, la configuration des températures océaniques sur le bassin atlantique favorisait une saison très active avec la région source (TNA appelé encore El Niňo de l’Atlantique) qui était très chaude (Index positif).

La TNA était fin juillet en chute libre cette année enregistrant des températures très en dessous de la normale égalant pour bâtant des records remontants à 1985.

Ces températures, bien qu’elles se soient quelque peu réchauffées, sont toujours bien en dessous des moyennes saisonnières (TNA négatif)

Cela signifie généralement un anticyclone des Bermudes occupant une position (anormale) beaucoup à l’ouest de sa position climatologique d’août à octobre sur l’Atlantique. (L’orange représente des anomalies positives)

Cela n’inhibe pas complètement l’activité cyclonique sur les zones tropicales, mais elle a tendance à être supprimée plus au sud (caraïbes et sud-est).

 

L’activité cyclonique dans ce genre de configuration à tendance à être normale ou inférieure à la moyenne.

Les ensembles de L’EURO indiquent plusieurs poussées de vents d’Est sur le Pacifique (ce qui ralentirait ou pourrait inhiber définitivement la venue d’El Niňo s’ils persistent jusqu’en septembre ou octobre)

 

Voir l’animation qui montre la goutte chaude qui se sépare et se concentre près de 120W avec de l’eau plus froide à l’Est et une baisse de température à l’ouest. Sans l’aide des rafales d’ouest (WWB), elle pourrait se mélanger ou au moins se déplacer vers l’ouest vers la ligne internationale de la date pour peut-être développer un El Niňo Modoki moins nocif qui protégerait beaucoup moins les Antilles des ouragans.

 

Dans la section transversale, la situation actuelle dans les profondeurs du pacifique ressemble à une version légèrement plus forte de 2013 en ce moment. Rappelez-vous qu’il a fallu deux ans de plus pour vraiment générer El Niňo à partir du Modoki de 2014/15.

 

En considérant l’évolution du cycle solaire actuel, il faut prendre en compte la possibilité qu’ENSO échoue (qu’El Niňo ne se développe pas). Certes l’IRI l’estime à seulement 35 % (SON), mais c’est une possibilité réelle si on tient compte de certains éléments non pris en compte par les modèles (NWP).

J’ai noté que les El Niño ont tendance à prendre forme après le maximum ou le minimum du cycle solaire pendant que plusieurs Niňo ou Niňa ont avortés alors que le cycle solaire approchait son Minimum ou avançait rapidement vers son Maximum. Cela est peut-être dû au fait que le flux solaire/UV est en corrélation avec l’intensité des hautes pressions subtropicales du Pacifique qui affecte les alizés et les vents d’est dans la zone équatoriale. Une variable qui devrait être prise en compte toutefois, je vous assure qu’il n’y a aucun modèle climatique, de modèles d’ENSO qui prend en compte la variable solaire en temps réel.

 

Après le minimum solaire de 2009/10, on a assisté à un développement harmonieux d’El Niňo qui est devenu un Modoki.

 

L’indexe SOI qui est la différence de pression entre Darwin (Australie) et Tahiti est positive pour le moment. Pour que l’atmosphère soit en phase avec l’océan (El Niňo est un phénomène couplé océan/atmosphère) il faudrait qu’elle soit négative avec une valeur d’au moins -7 pour les 30 derniers jours.

 

 

 

 

 

 

Ce qu’il faut retenir de cette analyse de la situation actuelle, que je me suis efforcé de simplifier au maximum pour mes lecteurs, est que la venue d’El Niňo qui crée des conditions assez hostiles (cisaillement, hausse de pression) aux ouragans de l’Atlantique et de la caraïbes est loin d’être une garantie, et il se pourrait fort bien que ce dernier se développe (s’il se développe) trop tard pour avoir une influence appréciable sur la saison.

                       El Niňo favorise des pressions plus élevées sur l’Atlantique

           Cisaillement produit durant El Niňo est néfaste aux cyclones

Même s’il parvenait à se développer, pire ce serait un Modoki qui a une influence plus marginale sur la région.

 

Le facteur le plus important quant à l’activité cyclonique des 5 à 6 prochaines semaines sera indubitablement les températures océaniques sur l’Atlantique tropical. La configuration actuelle, même si les températures arrivaient à atteindre des niveaux proches ou légèrement supérieurs aux moyennes limitera considérablement l’activité cyclonique sur l’Est et le centre de l’Atlantique. En effet, les températures beaucoup plus élevées au nord créeront les conditions carrément hostiles sur une bonne partie du bassin et au mieux marginales après le 50e degré de longitude à moins d’un renversement brutal de la situation d’ici les prochaines semaines. Si on se réfère à l’EURO, il faudra probablement attendre le début et la mi-septembre pour que les mouvements verticaux vers le bas qui assèchent l’atmosphère et créent une sorte de bouchon s’affaiblissent ou disparaissent et permettent aux systèmes tropicaux de se développer.

 

La saison, si ces simulations sont justes, serait assez courte; ce qui n’est vraiment pas un gage de sûreté. En effet, en 2004 des 16 tempêtes et ouragans de la saison, 13 se sont formées entre le 31 juillet et le 19 septembre !

Les années analogues à 2018 : 1968,1977,1986, 1991, 1994 toutes ont été très en dessous de la moyenne en terme d’énergie cyclonique accumulée et aucune perturbation n’a touché directement notre pays (Gordon a touché Cuba malgré les fortes précipitations sur Haiti) toutefois, il faut préciser qu’aucune de ces années n’est vraiment un pur analogue pour 2018 donc …

Des nouvelles qui ne rassurent pas, mais ne nous alarment pas non plus. Toutefois, il faut s’attendre à payer les conséquences en termes de pluviométrie, car cette configuration devrait également contribuer à une réduction marquante de la pluviométrie sur la même période.

Le mois d’août, sera probablement très proche du mois de juillet en terme de pluviométrie avec un début +/- humide sur plusieurs régions du pays comme je l’ai annoncé il y a quelques jours, mais la situation devrait vite revenir à “l’anormale” avec les épisodes de brume saharienne comme celle qui vient de quitter l’Afrique et qui affectera notre pays en début de semaine prochaine.

Probabilités que la pluviométrie soit < à la normale sont supérieures à 60 % sur la quasi-totalité du pays pour août/sept/oct selon The Earth Institute,  (l’IRI)

 

                      Idem pour le modèle Japonais (JMA) pour Sept/oct/nov

Pour les ensembles de l’EURO, les probabilités d’atteindre les moyennes pour  ASO sont de 10 à 20 %

Je ne suis pas certain qu’on en parle dans les médias, mais je n’ai pas noté d’intérêt (rien de nouveau ici) pour ce qui paraît être une catastrophe pour l’agriculture sur certaines régions; la situation pourrait même empirer durant les prochains mois si El Niňo se développe. Nul besoin de vous parler des conséquences probables sur l’économie, l’environnement, la santé, le politique et le social si on en arrivait là, alors que la menace cyclonique est certes plus faible, mais toujours présente. Rappelez-vous un seul ouragan est largement suffisant pour transformer une saison apparemment calme en un vrai cauchemar.

 

 

 

Cyclone tropical: Cyclone tropical, ouragan, typhon… tous ces termes désignent le même phénomène à savoir une zone de basses pressions composée de formations nuageuses qui s’enroulent autour d’un centre de rotation. Le vent en surface tourne en circulation fermée autour de ce centre. Un cyclone présente à la fois :

  • un mouvement de rotation sur lui-même dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud ;
  • un déplacement plutôt lent (20 à 30 km/h en moyenne) en comparaison à la vitesse des vents qui peuvent dépasser 150 à 200 km/h.

La Niňa :Phénomène caractérisé par une anomalie négative de la température de surface de la mer (par rapport à la période de référence 1971-2000), dans la région Niño 3.4 du Pacifique équatorial, dans la mesure où cette anomalie est supérieure ou égale à 0,5°C selon une moyenne calculée sur trois mois consécutifs” (OMM)

El Niňo : Phénomène caractérisé par une anomalie positive de la température de surface de la mer (par rapport à la période de référence 1971-2000),  dans la région Niño 3.4 du Pacifique équatorial, dans la mesure où cette anomalie est supérieure ou égale à 0,5°C
selon une moyenne calculée sur trois mois consécutifs” (OMM)

TNA ( TVA) : La TAV (Variabilité de l’Atlantique Tropical) c’est la fluctuation de l’ensemble des variations suivantes : de la température de la surface des eaux (SST), de la pression du niveau de la mer (SLP), de la circulation de Hadley, de la convergence de la zone intertropicale (ITCZ), et des changements de la direction du vent. Sa manifestation la plus claire a lieu en mars, avril et mai habituellement (MAM). Tout ceci est dominé par les changements inter-annuels et décennaux.

La TAV est souvent appelée “El Niño de l’Atlantique” et est associée aux Alizés tout comme El Niño dans le Pacifique. Selon la force des Alizés, Sud-Est, ça réchauffe l’eau de l’océan alternativement vers le sud de l’équateur, puis au nord, puis de nouveau au sud de l’équateur.

Cisaillement : Le cisaillement du vent est une différence de la vitesse ou de la direction du vent entre deux points suffisamment proches de l’atmosphère. Selon que les deux points de référence sont à des altitudes différentes ou à des coordonnées géographiques différentes, le cisaillement est dit vertical ou horizontal.

Oscillation Australe SOI : Une grande atmosphère et hydrosphère fluctuation centrée dans l’océan Pacifique équatorial. , Elle présente une anomalie de pression presque annuel, alternativement élevée au-dessus de l’océan Indien et élevée au-dessus du Pacifique Sud. Sa période est légèrement variable, avec une moyenne de 2. 33 ans. La variation de pression est accompagnée de variations des forces de vent, les courants océaniques, des températures de surface de la mer et des précipitations dans les zones environnantes. L’Oscillation australe est couplé directement avec le phénomène El Niño, donnant naissance au phénomène El Niño-Southern Oscillation (ENSO). Événements Voir El Niño et l’Oscillation australe El Niño (ENSO).

Anomalie : Ce paramètre étudié présente une anomalie lorsqu’il marque une différence par rapport à la moyenne ou aux régions alentour.

Anomalie thermique : s’applique dans le cas des températures.

Anticyclone : Un anticyclone est une zone de haute pression atmosphérique souvent associée à un temps sec, sans nuage et donc ensoleillé. Il se caractérise par le mouvement descendant de masses d’air froid qui augmente la pression au sol et empêche la formation des nuages. Ces derniers se génèrent souvent à la suite de la montée en altitude d’une masse d’air chargée d’humidité. Son antagoniste est la dépression. À l’inverse de cette dernière, l’anticyclone tourne dans le sens horaire au niveau de l’hémisphère nord, et dans le sens inverse des aiguilles d’une montre en dessous de l’équateur.

Cycle solaire: Un cycle solaire est une période pendant laquelle l’activité du Soleil varie en reproduisant les mêmes phénomènes que pendant la période de même durée précédente.

Energie cumulative des cyclones tropicaux (ACE) :L’énergie cumulative des cyclones tropicaux (en anglais Accumulated cyclone energy ou ACE) est la quantité d’énergie globale d’un ou de plusieurs cyclones estimée à partir de la vitesse maximale des vents pour chaque période de six heures. Selon sa définition, elle n’est calculée qu’à partir du moment où le système atteint le niveau de tempête tropicale et ne tiens donc pas compte des dépressions tropicales plus faibles et souvent de courte durée de vie. Cette quantité est un index de mesure utilisé par le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis pour quantifier l’énergie des cyclones tropicaux comme les ouragans et les typhons. L’indice total d’un cyclone ou de tous les systèmes tropicaux d’une saison dans un bassin océanique peut ainsi être évalué et comparé à d’autres cyclones ou saisons.

 

 

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

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