La prochaine saison cyclonique sera-t-elle marqué par un retour des cyclones majeurs sur le bassin antillais?

Les saisons cycloniques de la dernière décennie (2009-2018) ont plutôt été clémentes pour le bassin caribéen (hormis 2016 et 2017) ce qui contraste fortement la période précédente (2000 – 2008) qui a vu transité entre 2000 et 2005 par exemple des monstres tels qu’Ivan, Denis, Emily, Dean, Félix, Lili, Isidore, Jerry, Michel, tous des cyclones de catégorie 4+ sans parler de la terrible année 2008 avec Ike, Gustave, Paloma, Lenny, etc.  qui dévastèrent plusieurs régions du bassin.  De plus, après le passage du cyclone de catégorie 5 Félix en 2007, il aura fallu attendre presque 10 années avant d’assister au passage d’un cyclone de catégorie similaire sur la mer des Antilles, Matthew en 2016. Un retour à des conditions plus favorables, et la genèse de la Niña durant le pic de la saison en 2017, favorisèrent l’atterrissage d’Irma et de Maria sur l’Est et le Nord-est des caraïbes. Toutefois, en 2018, les conditions qui prévalurent entre 2013 et 2015 firent de nouveau leur apparition, fournissant une protection pour les îles de notre bassin. La saison des ouragans de l’Atlantique débute dans moins de 80 jours, assistera-t-on à une persistance des conditions hostiles aux perturbations cycloniques ou encore au retour des risques accrus pour les pays limitrophes de la mer des Antilles ?

Il est quasiment impossible de prévoir avec certitude l’état de l’atmosphère dans un futur aussi éloigné; toutefois, l’analyse de données comme la distribution des températures océaniques fournies par modèles de prévisions climatiques ou encore la recherche d’années ou des conditions similaires avait prévalu, demeure des outils précieux dans notre démarche. Ainsi, si on compare les prévisions de plusieurs modèles quant à la distribution des anomalies de températures océaniques (SSTAs) sur l’Atlantique et le Pacifique pour l’été, on se rend compte qu’elles se situent carrément à l’opposé de celles des années dites actives.

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Distribution des anomalies de températures de juillet a septembre sur le Globe

Durant les saisons actives, la distribution des SSTAs sont assez différentes de celles prévues pour l’été et l’automne par l’un des meilleurs modèles l’EURO.

Durant les années dites analogues (ou des conditions similaires à 2019 avaient prévalu), l’El Niño est centré un peu plus à l’Est. Il est donc judicieux de fusionner ces années de faibles activités avec les 5 à 6 dernières années pour se faire une idée sur la probable distribution des SSTAs pour l’été.

Le résultat est une distribution des SSTAs qui correspond à un tripol négatif (plus froid au Nord, chaud au Centre et plus frais sous les 20 degrés de latitude) sur l’Atlantique créant des conditions peu favorables sur la zone de développement principal ou MDR plus la présence d’El Nino peu favorable au passage de cyclone sur la mer des Antilles

Comparer aux 5 à 6 dernières années, les SST actuels (à droite) sont très proches de 2015 (à gauche une année peu active), bien que cet El Niño semble (pour la même période) un peu plus costaud:

2019 (à droite) est l’inverse de l’année dernière (à gauche) dans le Pacifique ou La Niña se dissipait.

Un autre facteur plaidant en défaveur d’une saison active sur la mer des Antilles est le déficit pluviométrique prévu sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel qui pourrait favoriser le départ de plus grandes quantités de sable vers l’Atlantique et les Caraïbes. Ces poussières sahariennes (SAL) suffoquent les ondes, augmentent la stabilité de l’atmosphère et en reflétant les rayons du soleil refroidisse l’océan.

Les probabilités que les précipitations soient au-dessous de 30% des normales sur l’Ouest de l’Afrique seraient assez élevées selon l’EURO.

Donc avec un probable refroidissement des SSTs et une distribution peu favorable à la focalisation de l’énergie sur l’Atlantique tropicale (Tripol négatif) les caraïbes pourraient  une nouvelle fois bénéficier d’une certaine protection pour la fin de l’été et le début de l’automne; surtout si El Niño devient un évènement classique et que le bassin se refroidisse suffisamment comme c’est le cas actuellement.

L’indice actuel de l’AMO est le plus faible depuis 1994 !

Quels sont les risques pour Haïti ?

En ce qui concerne notre pays, les saisons durant lesquelles notre pays a été épargné  montrent des anomalies de pressions positives (anormalement élevées) sur notre région qui sont généralement à l’opposé des saisons ou nous avons été malmené comme (1954,1958, 1963, 1964, 1966, 1980,1987, 1988, 1998, 2008, 2016) ou les pressions furent plus faibles sur la mer des caraïbes.

Durant les saisons ou notre pays a été épargné, les anomalies de pression étaient positives sur les caraïbes entre août et octobre

Les années cauchemardesques

Contrairement aux années terribles où ces anomalies de pressions étaient inférieures aux moyennes pour la même periode.

Les prévisions de l’EURO pour le cœur de la saison cyclonique quant aux anomalies de pressions atmosphériques ressemblent beaucoup aux années où nous avons été épargné.

Des pressions plus élevées sont prévues sur notre région au cœur de la saison cyclonique

Nous devrions en principe assister, si ces prévisions se matérialisent (AMO froid, El Niño modéré à fort sur le pacifique), à une saison cyclonique dominée comme les saisons 2013, 2014, 2015, 2018 par un cisaillement plus élevé que la normale, des épisodes de brume de sables du Sahara plus fréquents, des Alizés plus rapide sur la mer des Antilles contribuant à des remontées d’eau froide sur l’Atlantique tropical, de la subsidence plus forte que la normale avec pour conséquence une réduction notable du nombre et de l’intensité des ondes tropicales et par voie de conséquence, une baisse marque de l’activité cyclonique surtout sur la zone de développement principale ou MDR.

Zone de développement principal des ouragans ( MDR)

Au-dessus de 20 degrés de latitude, les ouragans devraient bénéficier de meilleures conditions pour se développer et menacer les Bahamas, le Sud-est des États-Unis et les Bermudes.

Nos prévisions préliminaires

Avec une énergie cyclonique accumulée de 65 à 105 ACE, la majeure partie de l’activité cyclonique devrait se dérouler au-dessus du 20e degré de latitude et ainsi éviter la mer des Antilles. Mais rappelez-vous que ce ne sont que des prévisions préliminaires, l’atmosphère est dynamique et les conditions pourraient évoluer d’ici juillet et août dans un sens ou l’autre. Vous aurez nos prévisions définitives en Avril.

Lexique

ACE :  L’énergie cumulative des cyclones tropicaux (en anglais Accumulated Cyclone Energy) est la quantité d’énergie globale d’un ou de plusieurs cyclones estimée à partir de la vitesse maximale des vents pour chaque période de six heures. Selon sa définition, elle n’est calculée qu’à partir du moment où le système atteint le niveau de tempête tropicale et ne tient donc pas compte des dépressions tropicales plus faibles et souvent de courte durée de vie.

L’AMO (L’Oscillation Multi-décennale de l’Atlantique) est une variation cyclique à grande échelle dans le courant atmosphérique et océanique dans l’Océan Atlantique du Nord qui combine pour augmenter et baisser alternativement la température de la surface de l’Océan Atlantique (SST). Cette oscillation qui est multi-décennale varie sur une échelle de 50 à 70 ans, avec des anomalies positives pendant environ 40 ans, suivies d’anomalies négatives de la SST pendant environs 20 ans dans l’Atlantique Nord avec une différence d’approximativement 0,6°C entre les extrêmes. l’AMO est un cycle quasi périodique, apparenté à la variabilité de la circulation du thermohaline océanique. Son indice montre que de 1856 à aujourd’hui, qu’il y a eu une persistance chaude (de 1856 à 1900, de 1930 à 1960, de 1995 à aujourd’hui), et fraîche (de 1900 à 1920, de 1960 à 1995). Les causes du AMO ne sont actuellement pas bien connues parce que cette oscillation est longue.

Le cisaillement du vent est une différence de la vitesse ou de la direction du vent entre deux points suffisamment proches de l’atmosphère. Selon que les deux points de référence sont à des altitudes différentes ou à des coordonnées géographiques différentes, le cisaillement est dit vertical ou horizontal.

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

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