Quelle sera l’influence de la Nina sur la saison pluvieuse et la prochaine saison cyclonique?

Au cours de la décennie écoulée, la saison pluvieuse fut souvent précoce,  les mois de février, mais surtout mars et avril générant une pluviométrie au-dessus des normales saisonnières. Ces anomalies ont souvent été attribuées (souvent par ignorance) par les médias locaux, simples citoyens, etc. aux changements climatiques; alors que le régime pluviométrique sur notre pays est conditionné par une kyrielle de facteurs. Dont, l’un des plus importants est la différence de température entre les océans pacifique et atlantique, particulièrement au niveau de leur région tropicale et/ou équatoriale respective. Ainsi la présence d’El Niño ou de la Niña, peut entrainer des variations comme : la date d’arrivée de la saison pluvieuse, sa durée, la répartition des pluies, la pluviométrie totale, etc.  Le super El Niño de 2014-2016, par exemple,  a laissé son empreinte sur la distribution des températures (des températures globales également)  sur  le Pacifique et bien évidemment, sur la climatologie locale durant cette période et même au-delà (pluviométrie surtout). Il ne fait aucun doute que le phénomène la Niña (d’intensité modérée) qui est présent sur le Pacifique en ce moment a (aura) une importance non négligeable sur la pluviométrie des prochains mois, et peut-être même sur la prochaine saison cyclonique. Comment sera notre printemps ? La tendance observée au cours des années 2010-2020 se poursuivra-t-elle (humide en avril et sec en mai/juin) ? Assisterons-nous à une saison pluvieuse «normale» ? Les conditions associées au  phénomène La Niña en cours sur le Pacifique auront-elles une influence sur la prochaine saison cyclonique ?

La pluviometrie de 2011 a 2020 a ete en moyenne au-dessous des normales durant le printemps principalement du au super Nino de 2014-2016

Durant la fin du printemps 2021 et au cours de l’été, une série de puissants alizés ont entrainé une baisse de température importante sur le Pacifique Est et Centrale.

Ces conditions particulières ont favorisé le développement d’ENSO- (La Niña), qui a atteint son pic au debut de l’automne. La Niña a favorisé (couplé) à d’autres facteurs comme:  la mousson africaine,  une saison cyclonique hyperactive sur l’Atlantique, alors que le Pacifique du Nord-ouest connaissait une saison de typhons quasiment moribonde. Pourtant, contrairement aux conditions qui prévalent lors des épisodes Enso-, la circulation atmosphérique qui prévaut depuis décembre/janvier sur le Pacifique et les États-Unis est loin, très loin de ce que nous observons généralement dans ces cas.

En effet, La Niña favorise la présence d’un anticyclone sur le Sud-est des USA, qui bloque la progression des fronts vers les Caraïbes ; cette région est connu des pressions plus basses qu’en moyenne,  ce qui a permis à plusieurs fronts et autres creux d’affecter notre région généralement au régime sec lors des épisodes Niña. Assistera-t-on à un retour des conditions typiques de Niña au cours du printemps, ou une persistance du régime de vents méridionaux sur le golfe du Mexique et le Sud des États-Unis qui amènent des perturbations polaires vers notre région ?

Circulation durant El Nino et la Nina

La plupart des ensembles des modèles semblent privilégier la dernière solution c.-à-d. une fréquence plus élevée de perturbations sur le Nord-ouest et le Centre des Antilles. Traduisez une pluviométrie plus élevée pour la fin de l’hiver, mais surtout le début du printemps surtout en avril. L’affaiblissement de la Niña, l’évolution actuelle et probablement future de perturbations globales comme l’Oscillation de Madden Julian qui devrait être présente en fin de mois et surtout en avril  sur l’Atlantique, le retour à une Oscillation Nord-atlantique positive (qui favorise un régime plus humide sur la région au printemps) sont autant de facteurs qui pointent vers une perpétuation de la pluviométrie observée au cours des mois de mars/avril 2012-2016.

La Nina s’affaiblit sur le Pacifique, notez comme les températures baissent sur les régions équatoriales de cet océan ( couleurs bleues)
La phase positive de Madden Julian est sur la region et devrait y revenir en avril
D’apres des ensembles de l’EURO des conditions favorables en altitude sont prevues sur la region en Avril.
l’oscillation Nord Atlantique ( NAO) devrait etre positive ce qui se traduit en general par des precipitations plus importantes sur la region.
Les anomalies pluviometriques sur la l’Amerique du Nord et des Caraibes lors des phases positives du NAO+ ( BRUN SEC, VERT POSITIVE)

Toutefois, il faut noter que nous observons depuis quelques semaines, une baisse marquée de températures sur l’Atlantique tropical, de l’Est des Antilles vers les côtes africaines qui créent une large zone de stabilité au-dessus de cette région.

Rappelons que les pluies sont liées à l’instabilité de l’atmosphère et que des conditions stables ou relativement stables entrainent  un temps plus sec (ou moins humide) or, sous l’influence des alizés, ces eaux plus froides seront advecté vers les caraïbes d’ici un peu plus de 4 à 6 semaines, ce qui aura des conséquences sur les précipitations de mai et de juin qui pourraient être plus sec qu’à l’ordinaire (déjà vu).

La pluviometrie des mois de mai et juin a ete en-dessous de la normale depuis 2012

Quelles régions pourraient être avantagées ou désavantagées par rapport à ces décalages? Avantage à l’Ouest, le Sud-est, le Sud du Centre et de l’Artibonite, les Nippes et une partie du Sud et de la Grande-Anse. Les régions septentrionales risquent d’être moins humides ainsi que le Nord du Centre et de l’Artibonite.

En résumé, la pluviométrie devrait être  aux normales saisonnières au cours des prochaines semaines,  avec un pic en avril puis une réduction graduelle des pluies à partir de mai et un temps sec en juin. Quid d’influence de la Niña sur la prochaine saison cyclonique ?

Malgré un réchauffement  des températures des eaux de surface sur le pacifique Est et Central,  il est fort peu probable qu’El Niño fasse son retour sur le Pacifique ( 10% selon la NOAA) alors que les modèles de prévisions d’ENSO indiquent que nous aurons probablement des températures proches des normales sur le pacifique équatoriale (ni la Niña , ni El Niño) donc des conditions qui ne sont pas défavorables a une saison active et même des chances d’assister d’un retour de la Niña en automne. Un double, La Nina est plutôt rare contrairement à El Niño  (1954-1956, 1998-2001, 2010-2012), mais nous amène généralement quelques problèmes ( Hazel 1954, Georges 1998, Thomas 2010, Sandy 2012). Nos prévisions pour la prochaine saison cyclonique seront publiées le 25 mars.

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

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