Avis d’événement(s) météorologique(s) extrême(s) pour les 6 à 24 prochains mois.

La décennie ècoulée (2010-2020) a été plutôt marquée par un déficit pluviométrique sur l’île et sur Haïti plus particulièrement. Les raisons paraissent multiples : températures océaniques sur notre bassin plus fraiches que la normale, températures sur l’atlantique nord plus élevé, distribution peu favorable des températures sur l’Atlantique durant l’été et le début de l’automne ; mais aussi et surtout le super El Niño 2014-2016 qui est arrivé dans un contexte ou la sécheresse était déjà présent sur Haïti. Ces conséquences furent désastreuses sur pratiquement tous les secteurs du pays, mais plus particulièrement l’agriculture et le secteur eau. Environ 1 million de personnes ont été directement touchées, et plus de 3.8 millions d’individus placés dans des conditions d’insécurité alimentaire. La situation ne s’est pas améliorée depuis 2020, et le développement d’un triple événement La Niña (2020-2023).Ce phénomène, qui généralement favorise des précipitations au-dessus des normales sur le territoire Haïtien entre avril et octobre, a plutôt renforcé ce déficit, malgré une année 2022 au-dessus, ou proche des normales sur une large partie du territoire. Cet épisode, qui se dissipe sur le Pacifique équatorial, pourrait être suivi d’un autre événement  encore plus dévastateur pour notre pays.

Le Pacifique et son influence

L’océan Pacifique est considéré à juste titre comme le thermostat de la planète. En effet, les phénomènes de grande envergure qui s’y produisent (comme lors des différentes phases d’ENSO) exercent une influence considérable sur les conditions météorologiques sur l’ensemble de la planète, en évacuant trop plein de chaleur de ce vaste réservoir thermique (El Niño) et en contribuant au refroidissement planétaire (La Niña),surtout lorsqu’elle entre en phase avec d’autres oscillations de plus grandes envergures comme le PDO ou AMO (Atlantique). Depuis 2020 par exemple, le phénomène La Niña conditionne la météo sur l’ensemble de la planète, et a probablement créé un déséquilibre au niveau des régions tropicales (refroidissement au-dessus de l’atmosphère tropicale alors qu’un réchauffement est noté au-dessus des régions subtropicales).Cette nouvelle donnée a créé des conditions peu favorables aux cyclones et aux ondes tropicales (entre autres) sur l’atlantique contribuant au déficit pluviométrique observé (une anomalie) sur notre région au cours des derniers mois. Dame nature dont le but principal est la recherche constante d’un équilibre qui n’est jamais atteint, a probablement enclenché un processus de redressement qui devrait passer par l’arrivée d’un El Niño modéré à robuste au cours des prochains mois.

El Niño mécanisme enclenché

Depuis l’été 2022, le vaste réservoir d’eau chaude (créé par persistance des alizés sur le pacifique qui force de vastes quantités d’eau à s’accumuler sur ces régions où elle se réchauffe) présent sur l’Ouest du Pacifique près de l’Australie et de l’Indonésie progresse lentement vers l’Est. Mais la robustesse des alizés n’a pas permis sa progression vers le centre de la région. Toutefois, au cours des derniers jours, le renversement de ces vents pourrait provoquer une accélération de ce transport. Cela devrait rapidement entraîner la fin de la Niña (la composante océanique ayant déjà disparu) et changer la donne sur le Pacifique Equatorial ou un El Niño côtier sévît déjà sur l’Est de la zone. L’avancée de ces anomalies chaudes devrait graduellement entrainer une baisse de la pression atmosphérique sur la région 3.4 ( le centre du Pacifique) et modifier durablement le régime des vents (mécanisme nécessaire au développement de l’enfant terrible du Pacifique) avec à terme (3 à 6 mois) la formation d’El Niño.

Impacts probables

Cet épisode positif de l’Oscillation australe (El Niño) devrait arriver au plus mauvais moment, puisque les ondes océaniques en marche sur le plus vaste océan de la planète arriveront près des côtes sud-américaines au mois de mai coïncidant « normalement » avec le pic de la saison pluvieuse. Entretemps, l’atmosphère, qui sera probablement déjà en phase de transition, sera en mode El Niño.

Une réduction de la durée de la saison pluvieuse et du nombre de jours de pluie est à craindre durant la première partie de cette période tant attendue par plusieurs secteurs de la vie nationale. La robustesse de ce phénomène qui dépendra de l’arrivée ou non d’une autre poussée de vent d’Ouest en avril devrait déterminer (avec d’autres facteurs) le niveau du déficit pluviométrique auquel nous devrions nous attendre avec de bonnes probabilités qu’il ne soit pas négligeable.

La première partie de la saison cyclonique, qui correspond à la saison sèche d’été, sera probablement marquée par l’empreinte d’El Niño avec des anticyclones plus robustes (temps + sec) entrainant des conditions moins favorables aux développements d’ondes solides avec des trajectoires plus au Sud. Une augmentation des épisodes de brume de sable est aussi probable. Toutefois, le phénomène le plus délétère lors des El Niño, surtout ceux qui ont tendance à se développer à la fin du printemps de l’Est vers l’Ouest, est cette accélération des alizés qui constitue pour Haïti une protection contre les ouragans, mais entraine aussi une réduction considérable de l’humidité sur la mer des Antilles et son refroidissement. Dans ce genre de configuration, la stabilité de l’air se renforce et donc la pluviométrie diminue.

La deuxième partie de la saison pluvieuse (septembre/octobre) devrait dépendre en grande partie de la localisation (et de sa puissance) d’El Niño. S’il est centré à l’Est cela réduira encore plus la pluviométrie au début de cette période, alors qu’un Niño centré à l’Ouest ouvrirait la porte au passage de perturbations porteuses de pluies sur la mer des Antilles (aux cyclones peut-être). Difficile à si longue échéance de prévoir le type qui se développera et/ou se situeront les anomalies de températures. Toutefois, il est fort probable que nous observions un événement se développant du Pacifique oriental vers l’Ouest, un des types les plus problématiques pour Haïti. À la fin de l’été, mais surtout le début de l’automne, la circulation atmosphérique associée au réchauffement des eaux du Pacifique équatorial (El Niño) favorisera également le passage de front froid plus fréquent et plus précoce sur Haïti avec des risques accrus d’inondations pour le Nord et les Nippes