Saison cyclonique 2021

Après une période relativement calme sur la mer des Antilles (2009-2015) marquée surtout par un refroidissement des températures océaniques et l’exceptionnel El Niño de 2014-2016, nous observons une augmentation de la fréquence des ouragans sur la région. En effet, les insulaires ont encore en mémoire la terrible saison 2017 qui causa tant de dévastations sur le nord-est du bassin caribéen, de l’automne 2016 pour nous autres avec Matthew et plus près de nous 2020 avec les puissants Êta et Iota qui balayèrent à quelques jours d’intervalles les côtes Nicaraguayennes.

La saison cyclonique 2020

Ces saisons actives et dévastatrices ont été en grande partie dues à des températures océaniques au-dessus des normales (AMO+), mais aussi, et surtout par la présence de la Niña sur le Pacifique. À environ deux mois de l’ouverture de la saison, le puzzle atmosphérique et océanique se met lentement en place, mais n’est pas facile à déchiffrer (pas encore). Comment sera la saison 2021 ?  Doit-on s’attendre à un retour au calme, ou assistera-t-on à un renforcement de la tendance amorcée en 2016 ?

L’activité cyclonique fluctue considérablement sur l’Atlantique. Les périodes relativement calmes succèdent aux périodes actives et vice versa. Ces cycles sont liés sur des échelles décennales aux cycles de L’Oscillation Multi-décennale de l’Atlantique (AMO) qui durent 40 à 70 ans. En effet,  aux phases froides moins actives de ce phénomène océanique (1900-1925,1969-1994) succèdent des périodes actives (1926-1965, 1994…). La fréquence des ouragans dépend aussi, sur des échelles plus réduites (interannuels), aux phases de l’Oscillation australe (ENSO) sur le Pacifique (El Niño et la Niña) ou les périodes chaudes  (Niño) induisent des conditions hostiles aux ouragans sur l’Atlantique (2009/2007/2014-2015) alors que la Niña favorise des saisons actives (1998, 2017, 2020, etc.). D’autres facteurs entrent également en jeu, comme l’intensité de la mousson africaine, le rôle de la latitude moyenne, la fréquence de la brume de sable du Sahara ( SAL) et de l’intensité de ses épisodes , etc. Toutefois, pour ces prévisions et pour ne pas trop compliquer la tâche de nos lecteurs, nous tiendrons surtout compte des températures sur l’Atlantique et le Pacifique (AMO et ENSO).

Le Pacifique El Niño absent

La Niña a atteint son pic à la fin de l’automne, et s’est affaiblie ces dernières semaines et se sera probablement dissipée d’ici l’ouverture de la saison (au moment d’écrire ces prévisions, les services de météorologie d’Australie annonçaient la fin de la Niña).

Selon le BOM La Nina s’est dissipée

Les modèles de prévisions indiquent que le Pacifique sera en territoire neutre pour l’été et l’automne avec des risques d’un retour de la Niña vers le début ou la fin de l’automne.

Les previsions de la NOAA pour ENSO

Ce qu’il faut surtout retenir : El  Niño (qui est un bouclier pour les Antilles) ne sera pas présent cette saison, et que les saisons neutres sont souvent aussi actives que celles où prévalent Enso-.

L’Atlantique AMO toujours positif

L’AMO est positif  depuis 2016 (donc favorable aux saisons actives). Toutefois, il est  difficile de prévoir la configuration prochaine des SSTs sur l’Atlantique entre aout et octobre. Nous avons néanmoins des outils qui nous permettent de nous faire une idée de la situation future comme : les prévisions des modèles numériques surtout en ce qui concerne les anomalies de températures océaniques en raison de la grande inertie de l’océan  et les années dites analogues.

Ainsi, l’EURO, l’UKMET, le NMME,le CFSv2 montrent pratiquement toutes, des températures océaniques au-dessus de la normale sur l’Atlantique; donc favorables à une saison active (vu qu’El Niño sera absent), mais une configuration océanique moins inquiétante pour le bassin caribéen, car des eaux plus chaudes au nord de la zone de développement principal créent des conditions moins favorables à des trajectoires sur la mer des Antilles.

Idem pour Le CFSv2

Toutefois, ces mêmes MNP montrent une mousson africaine active sur l’Afrique de l’Ouest comme en 2020.

Le CanSIPP canadien montre des conditions favorables à une saison active sur l’Atlantique ( vert favorable en altitude, marron peu favorable)
Idem pour l’EURO
Un blend de l’UKMET et de l’EURO

Les années analogues

Nous nous servons aussi des années dites analogues, c’est-à-dire des années où existaient des conditions similaires. Ainsi, 1999-1975-1976-2012-2009 correspondent à ces critères et ces saisons ont produit en moyenne 11 tempêtes (toutes hormis 1976 ont eu des perturbations sur la mer des Antilles). Il faut toutefois noter qu’une de ces années était dominée par El Niño (2009) alors que deux autres saisons ont été sous des conditions liées à la période froide de l’AMO (moins active AMO-).

En bleu, les régions peu actives durant les années analogues alors que les teintes vives indiquent les zones plus actives ainsi que les trajectoires des ouragans.

Notre verdict

Étant donné qu’El Niño sera absent, que la Niña pourrait faire son retour, que les SSTs sur l’Atlantique seront au-dessus de la moyenne, que depuis 2003 le NHC nomme des systèmes subtropicaux (qui ont une origine non tropicale), que la technologie qui nous permet d’identifier des systèmes (qui ne l’auraient pas été il y a seulement quelques années) et le fait que le NHC nomme désormais des perturbations de maniere assez laxiste (on se demande pourquoi ?); les risques d’une nouvelle saison au-dessus de la moyenne sont donc plus élevés. D’après nos calculs, il y aurait 45% de probabilités qu’elle soit > moyenne, 35% proche des normales et 20% qu’elle soit en dessous. Nous devrions assister à la formation de 16 à 21 tempêtes, 6 à 10 ouragans, dont 3 à 5 majeurs avec un ACE compris entre 125 et 165.

80% de chances que l’activité cyclonique lors de la prochaine saison soit normale ou supérieure ont la normale

Le risque pour Haïti

Il semble moindre pour les Antilles, si la configuration prévue par les modèles comme le NMME, l’EURO ou le CFS se matérialisent. Cependant, il n’est pas exclu qu’un système d’envergure touche la région durant sa deuxième partie, surtout si La Niña fait son retour d’ici là. Je l’ai déjà dit et le répète, la période calme observée sur le RD depuis 22 ans est plutôt inquiétante pour eux (et pour nous), car elle constitue l’une des plus longues de l’histoire de ce pays avec lequel nous partageons.

Georges fut le dernier ouragan majeur à touche directement la RD et Haïti. Un type de trajectoire que nous n’avons pas vu depuis deux décennies.

Toutefois, les Bahamas, le Sud-est et l’Est des États-Unis, les Bermudes seront probablement des cibles de nouveau cet été et automne. Il faut néanmoins se préparer (toujours) au pire,  puisqu’il est impossible de prévoir à l’avance quand et où ces systèmes se formeront et leur trajectoire. Ces préparations doivent egalement prendre en compte d’autres phénomènes météorologiques et climatiques qui se produisent aussi durant cette période, comme : la brume de sable du Sahara qui peut causer des problèmes assez sérieux au plus vulnérables, des orages violents particulièrement sur les régions centrales où la foudre tue plus au moins une dizaine de personnes par an, des épisodes de chaleurs qui ont également des conséquences sur les personnes fragiles (hyper tendus, vieillard, etc.).

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

Mr météo.info tous droits réservés avril 2021

Quelle sera l’influence de la Nina sur la saison pluvieuse et la prochaine saison cyclonique?

Au cours de la décennie écoulée, la saison pluvieuse fut souvent précoce,  les mois de février, mais surtout mars et avril générant une pluviométrie au-dessus des normales saisonnières. Ces anomalies ont souvent été attribuées (souvent par ignorance) par les médias locaux, simples citoyens, etc. aux changements climatiques; alors que le régime pluviométrique sur notre pays est conditionné par une kyrielle de facteurs. Dont, l’un des plus importants est la différence de température entre les océans pacifique et atlantique, particulièrement au niveau de leur région tropicale et/ou équatoriale respective. Ainsi la présence d’El Niño ou de la Niña, peut entrainer des variations comme : la date d’arrivée de la saison pluvieuse, sa durée, la répartition des pluies, la pluviométrie totale, etc.  Le super El Niño de 2014-2016, par exemple,  a laissé son empreinte sur la distribution des températures (des températures globales également)  sur  le Pacifique et bien évidemment, sur la climatologie locale durant cette période et même au-delà (pluviométrie surtout). Il ne fait aucun doute que le phénomène la Niña (d’intensité modérée) qui est présent sur le Pacifique en ce moment a (aura) une importance non négligeable sur la pluviométrie des prochains mois, et peut-être même sur la prochaine saison cyclonique. Comment sera notre printemps ? La tendance observée au cours des années 2010-2020 se poursuivra-t-elle (humide en avril et sec en mai/juin) ? Assisterons-nous à une saison pluvieuse «normale» ? Les conditions associées au  phénomène La Niña en cours sur le Pacifique auront-elles une influence sur la prochaine saison cyclonique ?

La pluviometrie de 2011 a 2020 a ete en moyenne au-dessous des normales durant le printemps principalement du au super Nino de 2014-2016

Durant la fin du printemps 2021 et au cours de l’été, une série de puissants alizés ont entrainé une baisse de température importante sur le Pacifique Est et Centrale.

Ces conditions particulières ont favorisé le développement d’ENSO- (La Niña), qui a atteint son pic au debut de l’automne. La Niña a favorisé (couplé) à d’autres facteurs comme:  la mousson africaine,  une saison cyclonique hyperactive sur l’Atlantique, alors que le Pacifique du Nord-ouest connaissait une saison de typhons quasiment moribonde. Pourtant, contrairement aux conditions qui prévalent lors des épisodes Enso-, la circulation atmosphérique qui prévaut depuis décembre/janvier sur le Pacifique et les États-Unis est loin, très loin de ce que nous observons généralement dans ces cas.

En effet, La Niña favorise la présence d’un anticyclone sur le Sud-est des USA, qui bloque la progression des fronts vers les Caraïbes ; cette région est connu des pressions plus basses qu’en moyenne,  ce qui a permis à plusieurs fronts et autres creux d’affecter notre région généralement au régime sec lors des épisodes Niña. Assistera-t-on à un retour des conditions typiques de Niña au cours du printemps, ou une persistance du régime de vents méridionaux sur le golfe du Mexique et le Sud des États-Unis qui amènent des perturbations polaires vers notre région ?

Circulation durant El Nino et la Nina

La plupart des ensembles des modèles semblent privilégier la dernière solution c.-à-d. une fréquence plus élevée de perturbations sur le Nord-ouest et le Centre des Antilles. Traduisez une pluviométrie plus élevée pour la fin de l’hiver, mais surtout le début du printemps surtout en avril. L’affaiblissement de la Niña, l’évolution actuelle et probablement future de perturbations globales comme l’Oscillation de Madden Julian qui devrait être présente en fin de mois et surtout en avril  sur l’Atlantique, le retour à une Oscillation Nord-atlantique positive (qui favorise un régime plus humide sur la région au printemps) sont autant de facteurs qui pointent vers une perpétuation de la pluviométrie observée au cours des mois de mars/avril 2012-2016.

La Nina s’affaiblit sur le Pacifique, notez comme les températures baissent sur les régions équatoriales de cet océan ( couleurs bleues)
La phase positive de Madden Julian est sur la region et devrait y revenir en avril
D’apres des ensembles de l’EURO des conditions favorables en altitude sont prevues sur la region en Avril.
l’oscillation Nord Atlantique ( NAO) devrait etre positive ce qui se traduit en general par des precipitations plus importantes sur la region.
Les anomalies pluviometriques sur la l’Amerique du Nord et des Caraibes lors des phases positives du NAO+ ( BRUN SEC, VERT POSITIVE)

Toutefois, il faut noter que nous observons depuis quelques semaines, une baisse marquée de températures sur l’Atlantique tropical, de l’Est des Antilles vers les côtes africaines qui créent une large zone de stabilité au-dessus de cette région.

Rappelons que les pluies sont liées à l’instabilité de l’atmosphère et que des conditions stables ou relativement stables entrainent  un temps plus sec (ou moins humide) or, sous l’influence des alizés, ces eaux plus froides seront advecté vers les caraïbes d’ici un peu plus de 4 à 6 semaines, ce qui aura des conséquences sur les précipitations de mai et de juin qui pourraient être plus sec qu’à l’ordinaire (déjà vu).

La pluviometrie des mois de mai et juin a ete en-dessous de la normale depuis 2012

Quelles régions pourraient être avantagées ou désavantagées par rapport à ces décalages? Avantage à l’Ouest, le Sud-est, le Sud du Centre et de l’Artibonite, les Nippes et une partie du Sud et de la Grande-Anse. Les régions septentrionales risquent d’être moins humides ainsi que le Nord du Centre et de l’Artibonite.

En résumé, la pluviométrie devrait être  aux normales saisonnières au cours des prochaines semaines,  avec un pic en avril puis une réduction graduelle des pluies à partir de mai et un temps sec en juin. Quid d’influence de la Niña sur la prochaine saison cyclonique ?

Malgré un réchauffement  des températures des eaux de surface sur le pacifique Est et Central,  il est fort peu probable qu’El Niño fasse son retour sur le Pacifique ( 10% selon la NOAA) alors que les modèles de prévisions d’ENSO indiquent que nous aurons probablement des températures proches des normales sur le pacifique équatoriale (ni la Niña , ni El Niño) donc des conditions qui ne sont pas défavorables a une saison active et même des chances d’assister d’un retour de la Niña en automne. Un double, La Nina est plutôt rare contrairement à El Niño  (1954-1956, 1998-2001, 2010-2012), mais nous amène généralement quelques problèmes ( Hazel 1954, Georges 1998, Thomas 2010, Sandy 2012). Nos prévisions pour la prochaine saison cyclonique seront publiées le 25 mars.

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

Mr meteo.info tous droits réservés mars 2021