Saison cyclonique 2014 , une dizaine de cyclones attendue !

L’année dernière à pareille époque nous avons rendu publiques nos prévisions cycloniques pour 2013, qui promettaient, d’après les paramètres et les conditions atmosphériques en général du moment, d’être très active avec des trajectoires menaçant directement le Nord et le Centre des Caraïbes. Vous connaissez sans doute la suite, ce fut un véritable échec pour nous et la quasi-totalité des agences qui avions également pronostiqué une saison destructrice sur le bassin atlantique.  La période cyclonique qui commence le 1er juin prochain sera-t-elle aussi calme ? Les Caraïbes et particulièrement notre pays seront-ils une fois de plus épargnés?

La recette d’une saison cyclonique active se compose de plusieurs ingrédients comme les températures océaniques favorables (SSTs), un faible cisaillement du vent horizontal (>8 nœuds), une instabilité atmosphérique suffisante, une mousson africaine assez importante pour générer des ondes tropicales puissantes, une pression atmosphérique normale ou en deçà des normales sur le Centre de l’atlantique, etc..

Situation normale par rapport aux températures sur l’atlantique de juin à octobre

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Certains de ces facteurs sont toujours présents comme les SSTs, d’autres ne sont présent que durant les six mois que durent la saison cyclonique et sont très variable d’une saison à l’autre et même à l’intérieur de la saison cyclonique, pourquoi ? À la différence de l’océan du pacifique qui très vaste ou les moyennes des SSTs sont inférieures à ceux de notre bassin, les systèmes tropicaux de l’atlantique souffrent souvent de l’air sec et du sable saharien qui étouffent les systèmes dans l’œuf. Toutefois,  l’un des pires ennemis des perturbations atlantique est la présence d’El Niño sur le pacifique équatorial. Hors, justement l’enfant terrible du pacifique sera selon nous, présent sur le pacifique au cœur de la période des ouragans.

En effet , les modèles sont presque unanime, Enso sera présent et avec une intensité au moins modérée.

el nino plume

La pression atmosphérique sur le bassin atlantique sera donc plus élevée que la moyenne entre juillet et octobre. Les perturbations qui servent de précurseur aux dépressions évolueront alors dans un environnement défavorable (jusqu’à 70 % plus élevé)

pressure cyclone

Si nous considérons la pluviométrie prévue sur la région, elle devrait être également déficitaire courtoisie d’El Niño ce qui en dit long sur le degré d’humidité qui devrait prévaloir sur notre bassin, par exemple près de 60 % de déficit pluviométrique sur Haïti entre juillet et septembre selon le GFS.

rain aso

Toutefois, le facteur le plus important sera sans nul doute le cisaillement vertical du vent, ne soyez pas effrayé par ce mot c’est simplement la différence de vitesse ou de direction entre les vents de differents niveaux de l’atmosphère dans le cas des cyclones tropicaux entre 1 500 mètres et 10 500 mètres. Pourquoi est-ce si important? Il faut rappeler si besoin est, que les cyclones tropicaux sont des machines thermiques qui tirent leur énergie de l’océan. Les vents provoquent l’évaporation de l’eau de mer en vapeur d’eau, qui se transforme lors des puissants mouvements de convection en d’immenses nuages convectifs. Lors de ce changement d’état (condensation) l’énergie, qui avait auparavant servie à évaporer l’eau de mer, est libérée sous forme de chaleur latente au-dessus des colonnes nuageuses du système et permettant ainsi la focalisation ce cette énergie. Cette énergie favorise la baisse de la pression au-dessus du centre du système, ce qui va renforcer les vents en surface qui à leur tour vont renforcer ce cycle évaporation-condensation-libération d’énergie et conduit à l’intensification du système. La présence de cisaillement contrarie une telle focalisation et empêche à la machine de s’emballer.

Sur cette réanalyse du NCEP effectuée durant des épisodes d’El Niño, notez les couleurs jaune au niveau des tropiques correspondant à des valeurs positives, donc à des vents d’Ouest anormaux au-dessus des tropiques alors qu’en surface les vents soufflent de l’Est.

vent

Voilà ce qui arrive aux dépressions tropicales dans ces cas-là. Sur l’image (1) où le cisaillement est faible (weak shear) l’air chaud libéré reste concentré juste au-dessus des orages permettant un abaissement de la pression au sol, l’air chaud étant plus léger. Alors que sur l’image (2) il est beaucoup moins focalisé en raison des vents très forts.

wind shear

Un cas pratique pour que vous puissiez bien visualisez, en 2010 Tomas a été presque totalement détruit en pénétrant sur l’Est des Caraïbes par le cisaillement. Notez comme les orages sont loin du centre et la perturbation est pratiquement nue.

thomas 2010

Un autre facteur peu favorable, cette année sera la distribution des températures océaniques dans notre hémisphère. En effet, nous avons un réservoir d’eau froide dans le Nord-ouest de l’océan indien qui va rendre irrégulière la mousson africaine et est donc peu favorable aux perturbations sur l’Est africain d’où naissent les ondes tropicales. Plus important encore, les SSts sur l’atlantique ont une configuration peu favorable avec les eaux les plus chaudes à l’extérieur des régions tropicales ce qui ne permet pas une focalisation de l’instabilité au cœur des tropiques, tout au contraire.

sst

Existe-t-il une manière de prévoir comment évoluera la saison à partir des paramètres connus? Pas exactement, mais en trouvant des années avec des conditions similaires ou quasi similaires on peut faire arriver à des chiffres. Ainsi les principaux suspects sont 1950, 1963 (mauvaise année pour nous), 1972, 1974, 1982, 1990, 2011 qui nous ont donné cela :

1950

1963

1972

1974

1982

1990

2011

Nous pensons que vu les conditions actuelles attendues sur notre bassin nous nous attendons entre 7 à 10 systèmes nommés (tempêtes au mojns), 3 à 5 cyclones dont 2 majeurs, la majorité cependant devraient prendre naissance en dehors de la zone tropicale; et 2 ou 3 systèmes nommés devraient affecter les Antilles dont 1 ou 2 cyclones. L’ACE qui mesure la vraie intensité d’une saison devrait rester en déçà des normales (60 à 80 %).

car1

Encore une fois ce ne sont que des prévisions météorologiques en zone tropicale ou nous savons que les données peuvent changer rapidement. Un point positif quand même sur les 22 derniers épisodes d’El Niño entre 1950 et 2010 notre pays n’a été affecté ” que 5 fois ” et seulement en deux occasions par des cyclones importants (1958,1963) alors que nous avons toujours été protégé lors des intenses épisodes d’El Niño (1957-65-72-82-97). Ce n’est quand même pas le moment de se laisser aller, car le risque existera toujours avec ou sans El Niño, car nous sommes sur la route de ces monstres. Qui se souvient du dernier cyclone majeur à avoir dévasté le pays? Allen en 1980, cela fait 33 ans déjà ! Une telle période de calme est plutôt rare (avant Allen il s’était écoulé 14 ans depuis Inez en 1966) et ce cycle est donc sur le point d’être interrompu.

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

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