Les pluies du printemps seront-elles au rendez-vous ?

Nous sommes pratiquement le seul pays où il n’y a pas de prévisions météorologiques établies pour le moyen ou long terme permettant aux divers secteurs de l’économie nationale de planifier leurs agendas en fonction des aléas climatiques. Quand les conditions météorologiques ou climatiques sont favorables des secteurs comme l’agriculture peuvent prospérer, mais si cela va mal comme en 2008, 2014 ou 2015 les conséquences peuvent être dramatiques.

 La grave sécheresse sur Haïti en 2014 et 2015

Nous n’avons pas encore cette culture chez nous d’écouter les bulletins météos, sauf bien sûr en période cyclonique, et là encore seulement si une menace se précise, pourtant les conditions météorologiques devraient être une de nos préoccupations dans un pays ou l’environnement est en lambeau et où nous faisons face à de nombreuses menaces. Il n’y pas seulement les ouragans et les fronts froids, il y aussi les poussières africaines qui peuvent causer souvent une augmentation des allergies respiratoires et des problèmes oculaires, les orages violents qui causent quelques fois des naufrages en mer ou dégâts aux plantations, l’accélération des vents sur certaines régions du pays peuvent endommager certaines plantations, les anticyclones stationnaires par la grande stabilité qu’ils génèrent favorisent des taux de pollutions élevés lors des jours de grandes activités, la propagation des maladies depuis la RD ou les Antilles par les alizés, etc.

                                Poussière africaine (SAL) traversant l’atlantique ce 8 fevrier

Dès le début nous nous sommes efforcés dans la mesure de nos moyens d’aider cette communauté (parfois malgré elle) en leur offrant des prévisions gratuites pour de nombreux paramètres météorologiques. Certes, nous ne sommes pas toujours écoutées (ou pris au sérieux) ainsi nos prévisions détaillées sur l’arrivée d’El Niňo en 2014 et 2015 avec leur cortège de calamités. Des paramètres qui pris au sérieux auraient permis de mieux planifier les campagnes agricoles en autres.

Je vous propose aujourd’hui des prévisions sur la période allant de février à juin en ce qui a trait à la pluviométrie. Ces prévisions n’ont pas été faciles en raison de la période de transition actuelle (La Niňa, la Nada, El Niño ?) Elles ne sont pas détaillées, mais si des gens sont intéressées à des prévisions plus personnalisées elles peuvent toujours nous contacter sur notre adresse  rudolph.victor30@gmail.com.

Établir des prévisions sur le moyen ou le long terme n’est pas une mince affaire, il faut bien cerner la situation actuelle, puis trouver des années dites analogues (possédant une certaine similarité avec la période en cours c.-à-d. distribution des températures, de la pression atmosphérique, etc.) puis déterminer une sorte de blend de ces dites années analogues puis comparer ce résultat aux simulations des modèles pour finalement décider si oui ou non ces simulations nous semblent crédibles et logiques eu égard aux conditions qui pourraient arriver, en bref un travail de titan.

La situation actuelle est conditionnée par d’abord la présence des eaux beaucoup plus froides sur le pacifique central (la Niňa, mais un peu plus chaude que la normale sur le pacifique Est) et des eaux un peu plus chaudes sur l’atlantique.

N’oubliez pas que le régime pluviométrique sur notre bassin est modulé par ces différences. En effet, lorsqu’il est positif (Atlantique chaud et pacifique froid) les pluies du printemps sont généralement au rendez-vous au bon nomment, dans le cas contraire elles sont précoces ou quasi absente dépendant de certains facteurs comme l’amplitude de ces différences (intensité d’El Niño, etc.).

   Les effets d’El Niňo

Conséquences

En ce moment ( au moment d’écrire ce texte La Nina était encore présente ) nous avons une Niňa en phase terminale et des indications que d’ici la fin du printemps, la différence sera quasi nulle a légèrement négative (faible El Niňo).

Conséquences de La Nina

La pression dans son ensemble a été et demeure au-dessus de la normale sur l’atlantique, a contribué et contribue encore au refroidissement des eaux de surface (limitant l’instabilité et donc les pluies) sur la région et empêche aux fronts d’atteindre nos régions (il a fallu attendre janvier pour assister au passage d’un front digne de ce nom).

Ce genre de situation semblerait une situation normale ou quasi normale avec toutefois une interrogation: passera-t-on en mode El Niňo d’ici la fin du printemps ou au début de l’été ? Un scénario qui aurait des conséquences assez importantes sur le moment de l’arrivée de la saison des pluies et leur distribution sur le territoire.

Années analogues !

Les résultats de nos recherches indiquent que des années comme 1951, 1971,1984, 1990, 1992, 1998, 2007, 2008 (toutes des années de transition ou de faible La Niňa) présentent des similarités assez intéressantes avec la période actuelle avec des distributions de températures et de pressions à 5500 mètres qui se rapprochent de celles existantes en ce moment. Un blend de ces années montre que la pluviométrie montre des précipitations au-dessus de la moyenne sur les régions septentrionales et centrales du pays pour la période allant de février à juin et normale sur le reste du pays avec une zone déficitaire sur l’extrême Sud-est de la péninsule du Sud.

Cette répartition de la pluviométrie pour la fin de l’hiver et le printemps me semble assez proche d’un probable scénario avec une différence de pression négative à neutre (ou le pacifique Est se réchauffement ) avec une diminution de rapide des précipitations vers la mi ou la fin mai.

Que disent les modèles ?

Pour l’instant, les modèles comme le CFS ou l’Euro semblent aller dans le même sens que mon « blend » avec des précipitations au-dessus de la normale avant le pic saisonnier des précipitations c’est-à-dire le mois de mai. (Toutefois, je crois que l’Euro est plus proche de ce qui pourrait d’après moi se produire avec un asséchement de l’atmosphère sur l’atlantique ouest et les caraïbes des le mois de mai ).  Dès le mois de mars (comme en 2012, 2014, 2015, 2016) les précipitations devraient être supérieure à la normale sur l’Ouest, le bas Plateau Central, et le Sud-est et diminution de ces derniers sur le Nord du pays et un pic pluvieux en avril sur le Centre, le Sud et l’Ouest alors que le reste du pays sera normal a déficitaire. La saison sèche devrait débuter un peu plutôt que prévu sur notre pays.

                              Euro  Février Mars Avril

( En vert les probabilistes associes aux précipitations et en marron aux déficits pluviométriques)

   MAM

AMJ

                                             

Le CFS 

Anomalies de pluviométrie prévues vert humide ( positif ) , jaune ( sec )

FMA

Mars Avril Mai

Avril Mai Juin

Alors Blend ou modèles ?

La grosse inconnue sera probablement l’arrivée ou non d’El Niño. En ce qui me concerne, je crois que ce phénomène devrait être bel et bien présent au cœur de la saison cyclonique, et ses effets se feront sentir d’ici la fin du printemps, pourquoi ? La distribution des SSTs sur l’Est de l’océan Indien ( Dipôle de l’océan Indien est positif ) plaide pour des pressions plus élevées autour de la région Australienne et plus basse sur la région de Tahiti.

Cette différence devrait générer des vents d’Ouest qui vont contribuer à refroidir cette région et provoquer un ralentissement des Alizés sur le pacifique Est avec pour résultante l’apparition d’anomalie positive sur cette région (El Niňo, d’ailleurs les SSTs sont déjà au-dessus des moyennes près des côtes Ouest du Pérou).

Certains modèles commencent de plus en plus à ” sentir ” l’arrivée de l’enfant terrible du pacifique comme Le POAMA australien.

Les ensembles de l’Euro

L’IRI de l’Earth Institute, Columbia University,

Il est ainsi probable qu’au vu de ces analyses, que les pluies du printemps soient légèrement en avance et un peu moins importantes que l’année écoulée en raison de l’arrivée probable de l’enfant terrible du pacifique vers la fin du printemps. Une mauvaise nouvelle pour le secteur agricole par exemple, car le risque de voir une rapide diminution de pluies vers la mi ou fin mai est bien réel. Quant à l’été, il est assez probable qu’il ne soit pas très mouillé, même si je crois qu’il devrait être beaucoup moins sec qu’en 2015. Bien sûr, tout dépendra en grande partie de la température moyenne de l’océan Atlantique et la distribution de ces SST et du type d’El Niňo (Modoki, classique).

Les différents types d’El Nino

Beaucoup d’incertitudes, donc quant à l’évolution future des conditions météorologiques et climatiques sur notre territoire au cours des prochains mois, avec toutefois de plus en plus d’éléments nous indiquant une période pluvieuse quasi-normale ou légèrement en dessous des normales et l’arrivée probable d’une période sèche plus précoce ce printemps.

En conclusion

Les précipitations dans leur ensemble ont été proches des normales ou en-dessous sur l’ensemble du pays pour le mois de janvier.

Les anomalies de précipitation en janvier sur la région

On devrait néanmoins, assister à l’émergence de quelques anomalies positives (pluviométrie au-dessus des normales à partir des mois de février et de mars particulièrement sur l’Ouest, le Sud-est et une partie du Sud, de la Grande-Anse et des Nippes et les régions septentrionales naturellement ou les anomalies seront assez importantes. La saison des pluies devrait arriver un peu plus tôt ce printemps (probablement fin mars ou début avril) sur l’Ouest, une partie du Sud-est, du bas Plateau central et sur la partie méridionale de l’Artibonite. Elle devrait aussi coïncider avec une réduction des pluies sur le Nord du pays. Toutefois, ne vous attendez pas à une pluviométrie largement au-dessus des moyennes.  Dépendant de la région de réchauffement maximal des eaux du pacifique et de la distribution des SSTs sur notre bassin; la saison pourrait toute aussi être sèche.

Je crois que vu l’évolution des éléments sur le pacifique et l’océan indien, que nous nous dirigeons peut-être vers une fin de printemps assez moyenne coté pluviométrie (peut-être carrément sèche). Quant à la saison cyclonique (vous aurez un post là-dessus en mars), elle sera probablement au-dessous de la moyenne de ces 20 dernières années peut-être même assez calme ( pour les caraïbes). Rappelez-vous toutefois, que l’atmosphère est très dynamique et que les choses peuvent évoluées donc rapidement.

 

 

 

Rudolph Homère Victor

Météorologiste

AMS

Mr Météo.info tous droits réservés Février 2017

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