Les cyclones ne sont pas des accidents

La République d’Haïti est située sur la mer des Antilles entre 71.76 et 74.46 degrés de longitude ouest et 18 et 20 degrés de latitude nord, ce qui nous place dans la zone subtropicale. C’est dans cette région située de part et d’autre de l’Équateur que l’on trouve les différents cyclones :

  • L’Atlantique
  • La pacifique Nord-Est
  • Le pacifique centre
  • Le pacifique Nord-Ouest
  • Le Nord de l’océan Indien
  • Le golfe du Bengale
  • Le sud de l’océan Indien
  • Le sud-Ouest du pacifique
  • La mer d’Arabie

Le bassin cyclonique de l’Atlantique nous intéresse au premier chef, car il comprend l’océan Atlantique Nord des côtes d’Afrique aux Antilles et la côte est des États-Unis, la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique. La République d’Haïti qui se trouve sur la partie occidentale de l’île d’Haïti se retrouve dans le bassin Atlantique qui est le deuxième bassin cyclonique en terme d’activité sur la planète.  La saison cyclonique dans un bassin est une période de l’année ou l’activité de formation des cyclones est la plus fréquente et suit un rythme relativement régulier. Dans le bassin Atlantique, la saison débute le 1er juin et termine le 30 novembre. Les systèmes tropicaux sont classés suivant une nomenclature:

  • Dépression tropicale (TD) avec pour effet des vents entre 0 à 63 km/h, beaucoup de pluies.
  • Tempête tropicale (TS) avec pour effet des vents entre 64 km/h à 118 km/h, beaucoup de pluies, une marée de tempête en zone côtière qui peut atteindre 0.9 mètre (90 centimètres), des dégâts négligeables.
  • Ouragan (H), les ouragans sont classés en 5 catégories de 1 à 5 sur l’échelle de Saphir-Simpson
    1. Catégorie 1 : vents de 119 à 153 km/h, marée de tempête entre 1.2 à 1.5 mètre, dégâts aux constructions en tôle fragile sont possibles, beaucoup de pluies.
    2. Catégorie 2 : vents de 154 à 177 km/h, marée de tempête entre 1.8 à 2.4 mètres, dégâts plus importants sont à considérer par la force des vents.
    3. Catégorie 3 : vents de 178 à 210 km/h marée de tempête entre 2.7 à 3.7 mètres, dégâts substantiels aux maisons peu solides et les toitures en tôle peuvent être arrachées, des inondations avec glissement de terrain sont aussi possible.
    4. Catégorie 4 : vents de 211 à 250 km/h, marée de tempête entre 4 à 5.5 mètres, une évacuation obligatoire de toute personne vivant à moins de 400 mètres des côtes est nécessaire afin d’éviter des pertes en vies humaines, les dégâts sont extensibles.
    5. Catégorie 5 : vents de plus de 251 km/h, marée de tempête plus de 5.5 mètres, les premiers étages de tout bâtiment près des côtes peuvent être sérieusement endommagés. C’est la catégorie la plus puissante des cyclones tropicaux.

Chaque année, c’est en moyenne 12 systèmes tropicaux qui se forment sur le bassin Atlantique. Annuellement donc, 6 atteignent le stade d’ouragan de différentes catégories. Ainsi la région autour d’Haïti est une zone naturelle de formation et de trajectoire des cyclones tropicaux.  Une recherche rapide sur le site de stormcaribe.com (http://stormcarib.com/climatology/MTPP_weekly.htm) nous montre qu’entre 1851 à 2010 au moins 42 systèmes tropicaux sont passés à au moins de 100 km de Port-au-Prince, Haïti.

On note aussi qu’entre 2005 à 2009, 5 cyclones tropicaux sont passés à au moins 100 km de Port-au-Prince (http://stormcarib.com/climatology/MTPP_5year.htm).

Il est aussi à rappeler l’épisode de 2008, quand 4 systèmes tropicaux ont affecté Haïti dont deux (2) frappes directes avec Fay (TS)  et Gustave (H), Hannah (H)  et Ike (H) sont restés assez loin au large, mais produisant de puissants effets sur l’ensemble du pays.

Les cyclones tropicaux affectant la République d’Haïti ne sont pas des accidents, mais des phénomènes réguliers qui entrent dans la nature de la position géographique du pays. Chaque année les universités américaines de recherche climatologique publient les prédictions pour la saison cyclonique. Pour la saison 2017, le Colorado State University (CSU) prévoit : 14 tempêtes qui auront des noms, dont 4 ouragans, dont 2 majeurs. Le CSU donne aussi une probabilité de 34% pour que la mer des Caraïbes (là où se trouve Haïti) soit affectée par un ouragan majeur (Catégorie 3 à 5) (http://webcms.colostate.edu/tropical/media/sites/111/2017/04/2017-04.pdf).

Le 1er juin 2017, la saison cyclonique à démarrer et dans notre pays qui sera probablement affecté, directement, ou de près ou de loin par au moins un système tropical; aucune préparation ne semble être effectuée ne serait-ce du point de vue de la sensibilisation de la population.  Tout se passe comme si les cyclones ne sont que des accidents qui arrivent sur notre territoire par hasard ou de manière rare, alors qu’il faudrait se préparer à recevoir la prochaine tempête comme on se prépare au lever du jour après la nuit.

L’impréparation est telle que les zones touchées par Matthew en octobre 2016 ne se sont pas encore remises et plusieurs ont été récemment inondés par les fortes précipitations d’après Paques.  La ville du Cap a été inondée avec moins de 50 millimètres de pluie, or les systèmes tropicaux ont la capacité de déverser plus d’une centaine de millimètres de pluie en moins de 24 heures.  Tout ceci pour vous montrer comment nous n’appréhendons pas vraiment ces phénomènes des systèmes tropicaux, nous avançons vers le pic de la saison 2017 pratiquement comme des aveugles.

Même si le nombre de systèmes tropicaux prévu ne semble pas très élevé cette année, il faut se rappeler qu’un seul impact d’un ouragan majeur peut causer des problèmes énormes au pays. Prenons le cas de Matthew, l’unique ouragan majeur à avoir frappé Haïti lors de la saison 2016, une catastrophe totale pour le pays.  Que faut-il faire dans ce cas pour être mieux préparé en cas d’arrivée de nouveaux systèmes tropicaux ? Dans ce texte nous allons proposer 3 catégories de solutions pour rendre le pays plus préparé pour l’arrivée des phénomènes prévisibles de cyclones tropicaux.

Solutions à court terme, qui peuvent implémenter au cours de la saison cyclonique 2017 :

  • Une campagne de sensibilisation musclée à travers des spots dans les radios, les télévisions et sur les réseaux sociaux pour bien informer la population sur les dangers que comportent les systèmes tropicaux. Il s’agit de souligner les risques liés aux aléas des inondations, des forts vents et des marées de tempêtes. Cette campagne devrait être permanente avec un renforcement durant la saison cyclonique.
  • Établir un plan d’évacuation connu des zones à risque (près des rivières ou ravins, près des côtes ou des zones montagneuses exposées aux vents)
  • Pré positionner des vivres, du matériel de secours et du matériel de nettoyage des routes dans les zones en alerte de tempêtes ou d’ouragans dans les heures qui suivent la déclaration d’alerte.
  • Renforcer les équipes de la protection civile à travers toutes les communes du pays en améliorant leur capacité de communication et d’accès aux informations météorologiques.
  • Curer les canaux d’évacuation des eaux usées dans les grandes villes du pays pour mieux faire face aux inondations.

Solutions à moyen terme, pouvant être implémentée dans les 2 à 3 ans à venir :

  • Interdire de manière définitive à travers des textes de loi à jour les constructions dans les zones à risques cycloniques.
  • Faire évacuer de manière définitive les habitants vivant dans les zones sujettes aux risques cycloniques.
  • Intégrer dans le cursus scolaire des formations sur les risques des systèmes tropicaux et les précautions à prendre.
  • Aménager les bassins versants principaux autour des principales villes soumises aux aléas d’inondations en cas de passage de systèmes tropicaux.

Solutions sur le long terme, pouvant s’implémenter de manière continue dans la durée :

  • Le réaménagement du territoire dans le but d’éviter au maximum les types d’habitats vulnérables au risque des systèmes tropicaux.
  • La création d’un institut de météorologie visant la formation des professionnels dans la météorologie tropicale.
  • Renforcement continu des instances de protection civile et des mécanismes d’évacuation obligatoire et ordonnée des populations des zones vulnérables.
  • Reboisement et protection des bassins versant vulnérables du pays.
  • Aménagement des circuits d’évacuation d’eaux usées dans les villes du pays.

Les solutions fournies ne sont pas exhaustives et ne sont données qu’à titre d’exemple. L’essentiel c’est de savoir que les cyclones qui nous ont touchés, qui nous touchent et qui nous toucheront ne sont pas des accidents de la nature, mais une manifestation normale  et régulière de cette nature. Dans notre zone, nous sommes appelés à vivre chaque année constamment avec les systèmes tropicaux, donc vaut mieux que l’on se prépare pour qu’on puisse limiter au maximum les dégâts. Je terminerais pour dire pour la saison cyclonique 2017, il faut  espérer le meilleur et se préparer au pire.

Référence:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyclone_tropical

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_de_Saffir-Simpson

http://www.meteo.fr/temps/domtom/antilles/pack-public/cyclone/tout_cyclone/statistiques.htm

http://webcms.colostate.edu/tropical/media/sites/111/2017/04/2017-04.pdf

Remerciement à : Rudolph Homère Victor, Météorologue membre de l’AMS.

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Jean Came Poulard, Ingénieur informaticien, passionné de Météorologie